La capitale irakienne est sous couvre-feu, le Liban déchiré par les attentats, la Palestine par une guerre civile… Tableau noir, quarante ans exactement après la Guerre des Six Jours.
Quarante ans exactement après la Guerre des Six Jours qui transforma l’Etat juif en puissance occupante de ses voisins proches, la situation au Proche-Orient ne cesse d’empirer. La capitale irakienne est sous couvre-feu, le Liban déchiré par les attentats et une guerre civile larvée, la Palestine disloquée par une guerre civile ouverte.
L’Egypte est traversée par des courants souterrains qui n’attendent que la disparition du président Moubarak pour gagner l’air libre. Le lourd silence qui règne en Arabie saoudite n’est guère plus engageant, si l’on prend en compte la ferveur religieuse d’une population privée de parole depuis des lustres.
L’Afghanistan est un guêpier où la position de l’OTAN est chaque jour plus faible comme je l’écrivais il y a peu. Et maintenant, c’est la Turquie qui entre dans une danse diabolique en s’engageant militairement en Irak tout en courant le risque d’une violente confrontation interne si l’on en croit l’analyse d’un éditorialiste averti dans Le Monde.
Plus que jamais le vieil adage «diviser pour régner» est d’une brûlante actualité. Or le grand diviseur n’est autre que le président Bush qui lorgne de plus en plus goulûment vers la Syrie et l’Iran, cibles chaque jour plus évidentes de la prochaine agression.
Je suis pessimiste? Comment ne pas l’être? Si l’on prend un peu de distance, on constate que par rapport à il y a quarante ans et à la Guerre des Six Jours, la donne s’est complètement modifiée sur le plan idéologique.
A l’époque, la confrontation générée par le développement d’Israël était qualifiée de conflit judéo-arabe, les deux termes étant entendus dans leur sens nationaliste: Etat juif contre Etats arabes. Puis insensiblement, au fil des crises et des conflits, on a glissé sur le terrain religieux. Le terme «arabe» a été remplacé par musulman pour enfin faire place à islamiste.
En se radicalisant, le conflit a provoqué le réveil d’un islam assoupi depuis la longue (et débonnaire par rapport à ce que l’on connaît aujourd’hui) domination ottomane. Les Arabes (et les Iraniens) ont commencé par réagir à l’intrusion occidentale en se ralliant en masse au nationalisme.
La défaite de Nasser en 1967 sonna le glas de cette expérience. Dès lors, les intellectuels nationalistes ou marxistes — iraniens, égyptiens, algériens… — commencèrent à faire leurs prières, à se laisser pousser la barbe et à dénoncer toute tendance à l’occidentalisation.
Cette involution à proprement parler réactionnaire fraya petit à petit un chemin bientôt transformé en boulevard au retour dominant du sentiment religieux comme seul rempart contre l’impérialisme occidental.
Douze ans après la Guerre des Six Jours, l’imam Khomeyni faisait une entrée triomphale dans Téhéran, acclamé par des foules immenses tout de noir vêtues. Confits dans leur ignorance, les progressistes du monde entier joignirent leur voix aux acclamations ayatolesques. Grotesque.
Aujourd’hui, grâce au savoir-faire et à l’habileté (?) de politiciens comme Ronald Reagan, Bush père et fils, Ariel Sharon, Shimon Peres et j’en passe, le Proche-Orient s’est transformé en champ de bataille religieux: juifs contre musulmans, chiites contre sunnites. Belle réussite!
Les guerres de religion sont de tous temps les plus difficiles à arrêter. Les lacérations qu’elles provoquent sont les plus douloureuses. Les massacres aussi. Quand le futur Henri IV mit fin aux guerres de religion qui dévastèrent la France pendant trente longues années en prenant Paris en 1590, ses soldats laissèrent quarante-cinq mille morts sur le pavé de la capitale, un quart de sa population!
Nous en sommes là. Ou plutôt ils en sont là, les habitants de Proche-Orient.
Ce n’est hélas qu’un début: le grand diviseur est aux aguets, l’Iran est dans sa ligne de mire.