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La noblesse d’âme du lobby des armes

Le débat parlementaire sur les armes à feu fut un pétard mouillé. Un registre national? Le fusil d’assaut renvoyé dans les arsenaux? On y pensera quelques meurtres et quelques suicides plus tard.

Un pétard mouillé. On attendait beaucoup du débat sur les armes à feu au Conseil national. Surtout que la semaine précédente, la proposition de la conseillère aux Etats bâloise Anita Fetz de pouvoir conserver le fusil d’assaut et autres armes de service à la maison, mais pas les munitions, n’avait pas, à la surprise générale, explosé en plein vol.

Non renvoyée en commission, ce qui apparaissait déjà comme une première brèche dans l’arsenal des certitudes calibrées. Et puis il y avait l’initiative du magazine féminin «Annabelle» recueillant plusieurs milliers de signatures pour demander la suppression de cette pratique unique au monde, le fusil militaire conservé à la cave, au grenier, ou, comme Oskar Freysinger, sous le lit. Annabelle publiait des photos qui montraient un homme menaçant au fusil d’assaut sa femme et ses enfants. Pas vraiment caricatural, si l’on consulte la statistique des faits divers.

Ces photos ont pourtant déclenché l’ire de certains parlementaires lors de l’ouverture des débats, à Flims. Le PDC saint-gallois Jakob Büchler par exemple y a vu «un affront pour les hommes qui ont servi notre armée, aujourd’hui comme dans le passé, pour les tireurs, pour les chasseurs.» Ce qui fait effectivement du monde et du beau, du fort, du costaud, du viril et du patriotique.

Le temps de passer à la trappe quelques amendements gauchistes réclamant un durcissement de la législation sur les armes, et rideau. Les parlementaires délocalisés ont préféré goûter aux charmes de l’Engadine automnale plutôt que de rester le nez plongé dans la graisse à fusil. Promenade bucolique pour tout le monde.

Les deux gros morceaux — la création d’un registre national des armes à feu et la suppression de la pratique des armes de service à la maison — ont été renvoyés aux calendes bernoises.

Victoire donc totale pour le lobby des armes, qui s’est mis lui aussi à récolter ses petites signatures. L’association «Swissguns» lance en effet une pétition pour défendre le principe du fusil d’assaut à domicile et fustige au passage cette Annabelle qui «fait de la femme suisse une petite chose apeurée et du mâle suisse une brute sanguinaire».

Ce lobby-là, les débats l’ont montré, aime se draper dans une noblesse d’âme invoquant aussi bien la raison que les sentiments, la tête que les tripes. On explique que les tirs obligatoires font vivre les sociétés de tirs qui elles mêmes sont un moteur non négligeable pour les économies locales. Et puis il y aurait cet «attachement profond» du citoyen au principe du flingue à la maison, pratique prétendument constitutive de l’identité nationale.

Notons qu’il y a des Suisses, tout aussi citoyens, du moins sur le papier, qui sont tout aussi «profondément» attachés à la possession d’un pitbull, à l’héroïne en vente libre, aux pratiques sexuelles avec les moins de seize ans, au sain principe de la femme au foyer, aux grisants rodéos sur routes.

Notons aussi que cette construction du sentiment identitaire par l’arme à feu n’a guère d’équivalent que chez le Hezbollah, dont le drapeau s’orne délicatement d’une kalachnikov. Voilà donc le citoyen soldat suisse en aimable et raisonnable compagnie.

Enfin, dernier argument, énoncé par Samuel Schmid: la lutte contre le terrorisme. Oui, de son grenier, au fusil d’assaut, décimer, allègrement, les hordes d’Al Qaida. On imagine la jouissance.

Remarquez que Ben Laden est peut-être mort, c’est la dernière spéculation en date, d’une crise de typhoïde. Et de la typhoïde à l’arme de service il y a moins loin qu’on ne pense. Un militaire, il y a longtemps, le maréchal Mac-Mahon, disait, la typhoïde on en meurt ou en reste idiot, je sais, je l’ai eue.