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Sofia Coppola: «Marie-Antoinette marque pour moi la fin d’une période»

Une fois de plus, elle a voulu raconter l’histoire d’une pauvre petite fille riche. Rencontre à Cannes avec une réalisatrice à l’aube de la maternité, qui tourne les films dont elle a envie.

«Soyez sympas avec Sofia, elle est enceinte», nous souffle le producteur. Sur le pas de la porte, les journalistes s’arrêtent net. Un moment d’hésitation. Faut-il vite envoyer une dépêche annonçant cette future maternité? Ou assister tranquillement à la conférence de presse en se concentrant sur les enjeux esthétiques de ce troisième long métrage?

Malgré son contexte historique, «Marie-Antoinette» développe un univers visuel, musical et vestimentaire assez contemporain. Avec une touche très rock: on y reconnaît la sulfureuse Asia Argento dans le rôle de la comtesse du Barry, et plusieurs groupes des années 80 dans la bande-son: Gang Of Four, Siouxsie And The Banshees, Adam And The Ants, Bow Wow Wow, sans oublier «Ceremony» de New Order et deux titres de The Cure («Plainsong » et «All Cats Are Grey»).

Et comme si cela ne suffisait pas, les deux groupes versaillais Air et Phoenix (dont le chanteur est le compagnon de la réalisatrice) apparaissent brièvement dans le film.

Décidément, Sofia Coppola n’a pas peur des anachronismes. Interview à l’occasion de sa conférence de presse cannoise.

Dès le générique, vous posez un regard très contemporain sur cette période historique…
C’était un défi que de pouvoir tourner un film en costume en préservant mon style. N’étant pas passionnée par le genre de film d’époque, je voulais le retranscrire dans mon imaginaire. L’apparition incongrue d’une basket accentue ce désir d’anachronisme, et rappelle que nous sommes dans un univers ludique.

A quel stade de votre travail le choix de la musique est-il intervenu?
Je me suis inspirée de certaines chansons durant l’écriture du scénario. Elles m’ont aidé à trouver le ton des scènes. Les morceaux des Sex Pistols, The Cure ou encore du groupe Bow Wow Wow, combinés à la musique contemporaine à la reine, reflètent l’état d’esprit des protagonistes. N’oubliez pas qu’à l’époque, les maîtres du pouvoir en France étaient en majorité des adolescents.

Il s’agit de votre première grosse production. Est-ce que cette pression nouvelle vous a déstabilisée?
Non. Le budget n’était pas énorme pour un film en costume. Nous devions respecter certaines contraintes économiques. Cela m’a permis de préserver ma liberté de mise en scène.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans la vie de Marie-Antoinette?
Peu après mon premier film «Virgin Suicides», le décorateur Dean Tavoularis, qui a beaucoup travaillé avec mon père, m’a parlé de cette reine de France. J’ai été surprise d’apprendre qu’elle n’avait que 14 ans lors de son arrivée à Versailles. Sa jeunesse m’a intriguée. Par la suite, j’ai lu la biographie d’Antonia Fraser et me suis rendue compte du destin à la fois passionnant et extrême de cette femme.

Le film est très américain, ne serait-ce que par son casting…
Je suis Américaine. Mes films sont tous tournés en anglais parce que c’est ma langue maternelle. Je n’allais pas aborder les dialogues en français du XVIIIe siècle! De plus je voulais travailler avec Kirsten Dunst.

Pourquoi elle?
Nous avions déjà travaillé ensemble dans «Virgin Suicides». A l’époque elle n’avait que 17 ans. J’ai voulu trouver le juste équilibre du personnage de la reine. J’ai mis en exergue son côté humain avec ses défauts et ses qualités, sans montrer l’héroïne méchante que l’on s’attend peut-être à découvrir. Et Kirsten sait dégager à la fois cette fraîcheur enfantine et cette résignation propre à l’image que j’avais de la reine. Elle exprime son émotion avec peu de chose et surtout elle connaît ma sensibilité et mes goûts. Kirsten a tout de suite compris le ton irrévérencieux que je voulais apporter au film et à son personnage.

Vous remettez en question la véracité de certaines citations historiques…
Vous faites allusion aux propos de la reine: «Ils n’ont plus de pain? Eh bien qu’ils mangent de la brioche»? Selon ma recherche et selon l’autobiographie de Fraser, Marie-Antoinette n’aurait jamais dit cela. J’ai mis en avant la différence entre un message transmis, une rumeur pour ne pas dire un commérage et la personne réelle qu’était la reine. Je me suis basée sur des faits historiques, j’ai fait des recherches, mais, les scènes et discussions intimes sont issues directement de mon imagination.

Comme le fait d’attribuer à la reine un amant en la personne du comte Fersen?
On possède des traces de cette relation amoureuse ainsi que des lettres écrites. Mais personne ne sait exactement ce qui s’est passé et s’il s’est réellement passé quelque chose entre les deux mis à part le fait qu’ils s’appréciaient. J’espère pour eux que cela s’est passé comme dans le film!

Comment avez-vous fait pour recréer le quotidien de la cour au XVIIIe siècle?
Nous avions visité les appartements de Marie-Antoinette. Les couleurs qu’elle avait choisies pour décorer ses pièces variaient du turquoise au rose. Nous nous sommes inspirés de cette palette pour rester proche du personnage et de son univers jeune et naïf. Tout a été étudié dans les moindres détails: les tissus en soie, en velours, les draperies et étoffes brillantes des robes, les arrangements floraux même les gâteaux et autres mets que les cuisiniers du palais préparaient. La reine vivait dans un cadre féerique qui frôlait parfois la décadence. Je voulais retranscrire cette notion de luxe à l’écran.

Tourner dans le château même de Versailles devait avoir des désavantages…
Nous devions prendre en compte les horaires des visites. Pour donner vie aux pièces du musée, nous avons changé le mobilier pour ne pas abîmer l’original. D’ailleurs, je ne voulais pas donner l’idée d’un film dans lequel le vernis poussiéreux de l’époque ressorte.

Marie-Antoinette, mère de famille, esseulée, ignorée par son époux ressemble un peu à Lady Diana…
On m’a souvent fait la remarque, mais Lady Di n’était pas une source d’inspiration.

Certains thèmes réapparaissent dans vos trois films, comme le passage à l’âge adulte…
Mes deux premiers films ont jalonné ma vingtaine. Ils m’ont accompagnés dans ma propre expérience de la vie. «Marie-Antoinette» marque pour moi la fin d’une période, le début d’une ère nouvelle, celle de ma trentaine déjà entamée!

Avez-vous l’impression que le besoin de raconter des histoires est dans vos gênes?
Depuis toute petite, je fréquente les plateaux de tournages avec mon frère. Mon père nous avait offert une caméra et nous nous amusions à filmer. Le cinéma m’a toujours intéressé, même si dans mes cours j’ai abordé différents domaines artistiques.

Votre père, producteur exécutif de ce film, vous a-t-il conseillé sur le tournage?
Il est venu en tout six ou sept fois sur le tournage. Il m’a poussé à aborder cette histoire d’une manière libre et personnelle.

Enfant, vous étiez déjà sous les feux des projecteurs. Un peu comme Marie-Antoinette?
D’un point de vue humain, je me suis un peu identifiée à cette reine, même si dans son cas, elle est plongée dans une réalité extrême. Je suis née dans une famille de cinéastes mais je n’ai pas pour autant l’impression d’avoir grandi dans une bulle.