LATITUDES

L’heure indienne

Lassi, chai, curry… Avec leurs campagnes de pub au parfum de Bollywood, ces produits entrent dans les habitudes de consommation des Suisses.

Avec son imagerie kitsch, le cinéma indien semble avoir lancé une mode chez les consommateurs occidentaux. Depuis quelques mois, les distributeurs suisses jouent la carte bollywoodienne en lançant à grand renfort de publicités des spécialités culinaires «made in India».

C’est Coop qui a ouvert les feux en commercialisant dès l’été dernier toute une gamme de «lassis» (une boisson à base de yogourt indien) ou encore du chai, un mélange de thé très épicé. Le distributeur, apparemment bien renseigné sur les traditions indiennes, a choisi de pratiquer des prix relativement élevés pour ces nouveaux assortiments.

«Le lassi était la boisson des maharajahs, c’est pourquoi nous avons décidé de l’intégrer dans notre ligne haut de gamme Fine Food», indique Roland Frefel, directeur du département alimentation et boissons de Coop.

En septembre, Migros a lancé à son tour des spécialités indiennes qui font ces jours-ci l’objet d’une grande campagne d’affichage. «C’est après avoir réalisé des dégustations dans nos centres que nous avons décidé de nous lancer sur ce marché», explique Valentin Kalt, responsable de la gamme «Convenience ready to cook chez Migros».

Plusieurs bars lémaniques surfent également sur cette mode en ajoutant du chai à leur carte. «Les gens en ont marre du Coca, ils préfèrent payer plus cher pour une nouveauté de qualité qui surprendra leurs papilles, dit Grégory Ahr, propriétaire du Calamar à Genève. Dès le retour des beaux jours, je servirai aussi des lassis à la pulpe de mangue, et je suis sûr que ce sera un succès.»

Cette indomanie du public suisse n’étonne pas Givaudan, la multinationale des arômes basée à Genève. «Déjà en 2004, au niveau européen, nous avions noté une progression de la demande en saveurs indiennes de 14,4 %, indique Magalie Dauwalder, chargée de communication. Les prévisions jusqu’en 2009 estiment l’évolution de cette tendance à 10,4%. En matière de goût, l’Inde est une valeur sûre.»

Après s’être longtemps contenté d’une version occidentalisée du curry, le public suisse réclame donc des saveurs plus authentiques. «Aujourd’hui, dans l’acte d’achat, le consommateur souhaite intégrer une part d’apprentissage. Il veut un produit qui le fasse voyager et qui ait une histoire à lui apprendre», estime Stefan Fraenkel, observateur de tendances à l’Ecole hôtelière de Lausanne.

La globalisation jusque dans votre assiette, en somme. «Bollywood véhicule depuis des décennies nos paysages alpins, poursuit-il. Nos montagnes font partie de l’inconscient collectif indien, ce n’est qu’un juste retour des choses que les Suisses intègrent à leur tour les us et coutumes de l’Inde.»

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 23 mars 2006.