CULTURE

Steve Jobs, l’homme qui valait 7,4 milliards

Mardi, le fondateur d’Apple a vendu le studio Pixar à Disney pour 740 fois sa mise initale. Une fable technologique.

Il était une fois une entreprise américaine qui réalisait 30 milliards de dollars de revenus annuels en racontant des belles histoires aux enfants sous forme de dessins animés. Un jour, tonnerre, l’entreprise s’aperçoit que filles et garçons n’aiment plus écouter ses récits édifiants. Le siècle a changé et les nouveaux enfants en ont ras le bol de Mickey et de Cendrillon, même en DVD sur des écrans à plasma. Ils veulent voir autre chose.

C’est que nous sommes au XXIe siècle. Les enfants jouent à GTA III sur des consoles qui pourraient peut-être battre Deep Blue aux échecs, mais dont les processeurs se concentrent sur autre chose: la visualisation en 3D, le rendu des couleurs, la mobilité des objets, les reflets de la lumière sur les chromes.

Les kids d’aujourd’hui ont grandi avec l’ultraréalisme informatique. Ils sont nés en 1995, quand «Toy Story», le premier grand film d’animation 3D, sortait sur les écrans. Le début d’une nouvelle ère.

C’est l’entreprise Pixar, dirigée par Steve Jobs, qui réalise cette prouesse technologique à l’époque. Evincé d’Apple en 1985, Steve Jobs avait racheté cette startup à George Lucas. Cela lui semblait un moyen amusant de placer 10 millions de dollars en marge du démarrage de sa nouvelle entreprise, NeXT Computers.

Mardi, Pixar a été vendu à Disney pour 7,4 milliards de dollars, soit 740 fois la mise initiale de Steve Jobs, qui s’offre dans l’opération un siège au conseil d’administration d’une major hollywoodienne mythique.

La valeur de Pixar ne s’est pas construite uniquement sur la qualité technologique de ses films. Et c’est en quelque sorte la morale de cette fable économique de notre temps. Car Steve Jobs s’est intéressé à la qualité des récits autant qu’à celle des images. Les scénarios de ses films sont des modèles d’intelligence et de subtilité. Et pendant que Disney tentait de refaire son retard en plantant des navets comme «Frère des Ours» ou «Atlantide», Pixar alignait les succès: «Bug’s Life», «Toy Story 2», «Monsters Inc», «Finding Nemo», «The Incredibles»…

Des succès qui ne sont qu’une illustration partielle de la vision du gourou. Car depuis son retour chez Apple en 1997, Steve Jobs a redressé le navire à la pomme de manière spectaculaire: en stimulant l’innovation tant du côté software (Mac OS X), hardware (iMac), qu’en investissant dans de nouveaux créneaux (iPod) et dans la distribution (iTunes).

Apple a vendu 42 millions d’iPod en 3 ans. La plate-forme iTunes détient 80% du marché de la vente de musique en ligne. Plus de 850 millions de morceaux de musique ont été achetés sur le site depuis son lancement en 2003. En quelques mois, Steve Jobs s’est imposé comme un acteur incontournable de l’industrie musicale.

En se payant Pixar, et en embauchant Jobs dans son conseil d’administration, le géant Disney paraît bien placé pour imposer un modèle économique pour la distribution du cinéma numérique. Le mogul végétarien l’a déjà fait avec la musique, alors pourquoi pas les images?