LATITUDES

Quels hommes pour quels cosmétiques

Crèmes pour le visage, poudre, baume pour les lèvres, masques… Les produits de beauté masculins connaissent un essor extraordinaire. Mais qui consomme quoi?

Alors que le débat entre métro- et übersexuels agite les rédactions, les fabricants de produits de beauté se frottent les mains. Car ces consommateurs urbains constituent la cible d’un nouveau marché en plein essor. «La part des cosmétiques pour hommes est en constante augmentation dans nos ventes, c’est le marché de demain», indique Magali Morard, responsable de la communication chez le distributeur Sun Store. «Les produits pour hommes représentent déjà 10% du total des ventes en parfumerie, ce qui est franchement pas mal», indique pour sa part Ernst Pfenninger des magasins Globus.

Mais l’homme du XXIe siècle se laisse-t-il si facilement catégoriser? Un petit sondage auprès des principaux intéressés permet de dresser un tableau plus contrasté de leurs habitudes cosmétiques…

On trouve d’abord «l’homme qui s’assume». Il n’hésite pas à s’offrir des produits coûteux et de marque. «Je ne vois pas quelle gêne il pourrait y avoir à acheter des cosmétiques. Ils ne sont pas faits seulement pour les femmes», dit Christophe G., informaticien romand, la quarantaine.

Christophe utilise notamment les crèmes pour le visage Jean-Paul Gaultier, une marque qui a fait de son excentricité un atout. Elle propose ainsi une ligne de maquillage pour hommes (poudre dorée pour le visage, baume coloré pour les lèvres ou khôl pour les yeux) qui «marche très bien», selon Marietta Budiner, qui représente la marque en Suisse. «Les hommes qui achètent nos produits posent des questions techniques, se renseignent et ne sont pas du tout timides», tient-elle à préciser.

Frédéric B., analyste financier, 30 ans, reconnaît utiliser l’after-shave Clarins, la crème raffermissante Biotherm et la crème Neutrogena pour les mains. Lui non plus n’éprouve pas de gêne à effectuer ses achats en toute tranquillité.

Autre univers, «l’homme sensuel» est plus intéressé par les couleurs et les odeurs des produits que par leurs effets. Avide de cosmétiques naturels et bio, il se fournit principalement chez Lush ou The Body Shop. «Une fois par mois, j’utilise un masque à l’orange», note David C., hydrogéologue, 30 ans. «J’aime les belles bouteilles, les objets design», poursuit-il. Il admet piquer aussi les cosmétiques de sa copine. «J’adore son spray pour le corps asiatique et son gel douche Bourgeois.» Mais il s’aventure assez rarement dans les magasins: «Je n’ose pas y aller tout seul, ma copine y va, elle s’y connaît mieux.»

Enfin, «l’homme Nivea» est le plus réfractaire aux cosmétiques. Il privilégie les gammes bon marché, que l’on trouve en grande surface – ce qui lui évite la confrontation avec la vendeuse. Ce type d’homme va «mélanger les marques», achetant un déodorant peu cher, puis un after-shave un peu plus coûteux, remarque-t-on chez Sun Store. Renaud B., artisan, 28 ans, qui utilise une crème de jour Nivea, explique que, pour lui, il s’agit avant tout de «bien présenter».

«Je n’ai pas l’impression de me ‘faire beau’, je prends soin de mon apparence pour les autres», souligne-t-il. Les cosmétiques ne sont pas sa priorité et il ne veut pas dépenser une fortune en produits de beauté. Frédéric W., étudiant en géographie à Fribourg, 29 ans est un habitué de la crème hydratante de la Migros et du gommage Nivea. Il dit éprouver «un haut le cœur» en entrant dans une parfumerie et préfère se fournir en grande surface.

«Le rapport qualité/prix des produits Nivea est bon, les hommes, surtout jeunes, peuvent se permettre de tester plusieurs produits, ce qui n’est pas le cas avec les marques de luxe», commente Dincer Türkes, responsable de la marque pour la Suisse.

Mais qu’il soit «assumé», «sensuel» ou «Nivea», l’homme ne choisit pas ses produits en fonction des mêmes critères qu’une femme. Selon un sondage réalisé en 2000 auprès de 80 hommes à Paris et New York par Shisheido, 65% des Français élisent leurs cosmétiques en fonction du parfum, alors que 27% citent le prix. Pour attirer un homme vers une marque, il faut éviter «le vocabulaire technique, car sa connaissance de la cosmétique est plus récente que celle de la femme», affirme Carine Delorme, porte-parole de Clarins.

Selon elle, mieux vaut jouer sur l’humour. Clarins a ainsi apposé de petits pictogrammes explicatifs et ludiques sur tous les produits de la gamme Homme. Une stratégie que l’on retrouve ailleurs: les soins sont dissimulés sous un emballage en forme de boîte de conserve chez Lancôme ou de bidon d’essence chez Jean-Paul Gaultier, les produits Nickel s’appellent «coup de gueule» ou «attention les yeux» et ceux de la marque Anthony énoncent leurs objectifs sur un ton décalé («balayer la crasse», «dégraisser la face»).