CULTURE

Tant que les effaceurs tourneront

Cela ressemble à un gag. C’est au contraire un vrai phénomène alternatif, un peu comparable au skateboard, avec ses figures et ses combinaisons. Son nom: le pen-spinning.

Vous avez toujours envié votre voisin de classe quand il faisait tournoyer son effaceur autour de son pouce, défiant toutes les lois de la physique. Vous vous êtes peut-être même risqué à reproduire sa gymnastique digitale.

Mais auriez-vous imaginé que ce «trouble obsessionnel du comportement» estudiantin puisse un jour réunir une immense communauté à travers le monde sous l’appellation «pen spinning»?

Jouer avec ce que l’on a dans sa main relève d’un vieux réflexe primal, qui est par définition aussi vieux que l’homme. Il n’existe aucun document permettant de connaître l’origine exacte du tournage d’effaceur. Ou de stylo. Ou de crayon.

«L’histoire a commencé dans ma jeunesse quand j’étais encore au collège raconte Paul Ty, le fondateur de l’école de tournage d’effaceur. Il y avait un de mes camarades qui jouait avec son effaceur en classe. Il savait faire un seul tour sur les doigts et il nous a expliqué sa technique. C’est alors que mes camarades et moi, nous avons commencé à nous entraîner pendant les cours.»

«Au début, nous le faisions tout le temps tomber. Petit-à-petit, avec beaucoup d’entraînement, nous arrivions tous à maîtriser la technique et nous jouions avec notre effaceur à tous les cours jusqu’à la fin de l’année scolaire.»

«L’année suivante, je rentrais au lycée et à ma surprise générale je vis un nouveau camarade de classe faire plusieurs tours avec l’effaceur. A partir de ce moment-là, j’ai compris qu’on pouvait faire énormément de mouvements avec, et j’ai inventé de nouvelles figures de mon côté.»

«A force de me voir jouer avec l’effaceur, les gens ont commencé à me demander de leur apprendre à le faire et c’est la raison pour laquelle j’ai créé cette école. Pour faire connaître cet art et partager mes connaissances avec des gens qui aimeraient apprendre à le maîtriser.»

Avec la généralisation du web au début de la décennie, les obsédés du stylo se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas seuls sur Terre et se sont retrouvés sur le site de Hideaki Kondoh, le pionnier du pen spinning au Japon et sur Pentrix.com aux Etats-Unis.

A la fois low-cost et dénué de toute contrainte spacio-temporelle, l’art du tournage d’effaceur ou de stylo a connu une croissance record ces dernières années.

Aujourd’hui, on peut dire que l’activité-peu-valorisante-de-l’étudiant-désintéressé-par-ses-cours est en train de se muer en phénomène de société.

Pour donner une idée de son importance, en Corée du Sud, Pendolsa, le site national le plus populaire en la matière, réunit plus de 100’000 membres.

Des centaines de sites et blogs — au design souvent très geek — ont fleuri sur internet. Un peu comme dans le skateboard, les figures (tricks) et les combinaisons (combos) y sont détaillées avec beaucoup de précision: Triangle Pass, Sonic 1.5, Spider Man, Rameur-Kayakiste, Moustachu ou encore Flagada Jones. On compte plus de 100 figures différentes.

Les aficionados ne sont pas regroupés en club ou en fédération, ils forment plutôt une communauté active dont les sites internet sont le centre de gravité. Ils y dissertent sur le stylo idéal à faire tourner, mettent en ligne les vidéos de leurs exploits et s’affrontent par battles interposées, le plus souvent virtuelles.

Les rencontres physiques entre pen spinners restent rares. En Asie, où le phénomène est particulièrement visible, des mini-conventions sont organisées à Singapour depuis 2004 sous le nom de « Singapore Pen Spinning Gathering».

Intéressé? Il ne vous reste plus qu’à prendre votre première leçon.

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Autres références:

Pen Spinning Skyblog

Super Handz

Pencil Ninja

The Troposphere