Un nouveau dictionnaire jaune vif veut traduire le langage des hommes à l’intention des femmes. Pour découvrir le sens caché d’expressions apparemment anodines. On l’a lu.
«Tu cuisines presque aussi bien que ta mère!» Est-ce un compliment ou une insulte?
Réponse dans un nouveau dictionnaire Langenscheidt qui traduit, à l’usage des femmes, le langage des hommes («Deutsch-Mann, Mann-Deutsch»). Une traduction attendue après la mise en évidence, ces dernières années, de modalités d’expression propres à chaque sexe.
Le succès qu’a connu l’ouvrage de John Gray, «Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus» n’est sans doute pas étranger à celui que rencontre actuellement ce drôle de petit dictionnaire donnant accès à une langue qui, bizarrement, n’avait pas encore été traduite: celle des hommes.
En lieu et place des deux colonnes renvoyant d’ordinaire aux langues à traduire, on trouve ici, dans celle de gauche, «il dit», dans celle de droite, «il pense». Cela suggère à première vue un dictionnaire des mensonges alors qu’avec la communication entre hommes et femmes, nous sommes en fait, dans la communication interculturelle. D’où la nécessité d’un décryptage pour espérer s’y retrouver.
Que de messages cachés dans des expressions apparemment anodines! Les auteurs du dictionnaire, Susanne Fröhlich et Constanze Kleis, présentées comme des «Männerversteherin» (des expertes es compréhension du sexe fort), avertissent leurs lectrices dans l’introduction: «On ne peut pas vous garantir que ce que nous avons traduit vous plaira. Une chose est certaine, cela vous ouvrira les yeux!»
Ouvrons-les donc grâce à quelques exemples. Décodé, le «On va chez toi!» devient «Les femmes ont toujours quelque chose dans leur frigo. Moi pas.». Il dit: «J’aime les femmes indépendantes», il pense «Comme ça, elle rapporte au moins un peu d’argent!».
Il faut se méfier du «Je suis sportif». N’allons pas imaginer qu’il nous emmènera régulièrement faire du jogging en sa compagnie. Il faut comprendre «Pendant le week end, ne compte pas sur moi: je ne suis jamais à la maison ».
«Es-tu allée chez le coiffeur?» est l’interrogation classique utilisée pour toutes les formes de changement, depuis la perte de vingt kilos jusqu’au lifting du visage.
Quand, fâché, il lâche un «Avec toi on ne peut pas parler», sachons qu’il pense «Il se pourrait bien qu’elle aie raison. Mais elle ne le saura jamais, du moins jamais par moi tant que je serai vivant.»
A l’occasion de notre anniversaire, il osera peut être un «Dans la vie, il faut pouvoir se réjouir des petites choses», pensant «C’est valable pour elle. Moi, je mérite tout de même un peu plus».
Quant au «Que serai-je sans toi?», qu’il ne nous propulse pas sur un nuage rose: une fois traduit, il devient: «Avec les cours actuels de la bourse, je ne peux vraiment pas imaginer engager une femme de ménage».
Quelle lecture faire de tels propos? Une lecture compassionnelle envers les deux auteurs, en contact avec une race d’hommes que l’on imaginait en voie d’extinction? Ou alors une lecture de pitié pour ces malheureux beaufs?
Pour Sylvia, les propos contenus dans ce mini-dictionnaire témoignent «d’une relation de couple irrécupérable, à la veille du divorce». Du haut de sa trentaine, cette lectrice exprime le point de vue de sa génération et admet que sa mère et les femmes de sa génération pourraient bien reconnaître une certaine familiarité à ce langage «macho», et donc mieux s’identifier.
En parcourant ce best-seller, Claudia, la cinquantaine, a été plongée «en plein feuilleton télé du plus bas étage. Il n’y a que des clichés!» Ruth, sa copine, opine. « En feuilletant, j’ai tout de suite compris de quoi il s’agissait!»
Les vendeuses interrogées dans des librairies biennoises et bâloises disent que ce dictionnaire se vend très bien. A les entendre, il constitue le petit cadeau sympa que l’on s’offre entre amies, histoire de rire un bon coup sur le dos de machos qu’on se réjouit de ne pas fréquenter. L’occasion de pousser un grand «ouf!» de soulagement.
Mais vaut-il vraiment la peine d’aller consulter ce dictionnaire pour y trouver tant d’explications décevantes? N’est-il pas préférable de continuer à croire, que quand notre compagnon nous dit «Je t’apprécie», il est trop timide pour déclarer «Je t’aime à la folie»?
A quoi bon dissiper les malentendus, ne sont-ils pas la condition même de l’entente?
C’est en tout cas le point de vue défendu par Charles Baudelaire. Dans «Mon cœur mis à nu», on lit: «Le monde ne marche que par le malentendu. C’est par le malentendu universel que tout le monde s’accorde. Car si, par malheur, on se comprenait on ne pourrait jamais s’accorder.»
A la démarche du dictionnaire allemand, je préfère l’approche plus humble de ce cahier rouge intitulé «Tout ce que les hommes savent des femmes». Il ne contient que des pages blanches.
——-
Le contenu du dictionnaire peut être chargé sur votre Palm ou PC. Consultez le site de Langenscheidt.
L’an passé, Lagenscheidt avait publié «Frau-Deutsch-Deutsch-Frau».