LATITUDES

Cancer du sein: un traitement efficace, mais trop cher pour vous

La médecine à deux vitesses n’est pas pour demain: elle existe déjà. Notamment en Suisse, où des femmes doivent renoncer à des médicaments jugés efficaces mais trop chers.

Atteinte depuis février dernier d’un cancer du sein, Barbara Clark, une infirmière de 49 ans, a mis en route une procédure légale contre le service de santé britannique (NHS) qui refuse de lui donner un médicament.

Ce produit, l’Herceptin, de Roche, est jugé très efficace, par trois études jusqu’à ce jour. Mais il coûte très cher. Il est disponible uniquement pour les femmes souffrant d’un cancer avancé.

C’est la première fois qu’une patiente s’appuie sur la Déclaration des droits de l’homme pour forcer le service de santé national de lui prescrire «a life-saving drug» (un médicament qui sauve la vie). «J’irai jusqu’à la Haute Court s’il le faut», assure Barbara Clark.

Connaissant le coût du traitement, 40’000 livres, on apprécie mieux les enjeux économiques de la décision attendue. Des milliers de femmes sont concernées.

Confrontée à un phénomène totalement nouveau, une oncologue suisse — qui souhaite rester anonyme — m’a fait part de sa perplexité. Depuis le début de l’année, une dizaine de ses patientes lui ont annoncé qu’elles allaient mettre fin à leur traitement, jugé trop onéreux pour leur petit budget. Du jamais vu au cours de sa carrière.

Parmi les médicaments phares dans le traitement du cancer du sein, le Femara est jugé efficace, mais trop cher pour certaines patientes. Ces petites pilules jaunes contribuent par ailleurs à l’excellente santé financière de leur fabricant, Novartis.

«La médecine à deux vitesses, ce n’est pas pour demain: nous y sommes déjà, même en Suisse, affirme mon interlocutrice. Personnellement, je ne sais pas comment je vais pouvoir continuer à exercer ma profession dans de telles conditions.»

Elle est soulagée d’avoir pu parler de sa difficulté face à ce sujet encore tabou.

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    PS D’autres discriminations sont liées au cancer du sein, notamment en matière de prévention.

    Toutes les femmes romandes âgées de 50 à 70 ans bénéficient d’un programme de dépistage gratuit, pris en charge par les assurances maladie et les pouvoirs publics. Toutes, sauf celles du Jura bernois.

    Une pétition munie de plus de 5000 signatures a été remise à la fin septembre à l’Assemblée interjurassienne. Elle demande que les femmes de cette région puissent «profiter d’une campagne de dépistage systématique comme dans les autres cantons romands».

    Dans ce domaine, la fameuse «barrière des röstis» défavorise les Suissesses alémaniques, qui meurent davantage du cancer du sein que les francophones. Le magazine Annabelle» vient de lancer une pétition intitulée «Kampf dem Brustkrebs», qui demande l’égalité de dépistage entre Romandes et Alémaniques. Elle sera adressée à Pascal Couchepin.

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    Le mois d’octobre, décrété «Mois du cancer du sein», verra, en Suisse, un bus sillonner le pays pour informer le public.