CULTURE

Boîte à musique, musique de boîte

Des stars du rock comme QOTSA passent leurs titres à la manivelle, et le fabricant Reuge entre dans la danse. Le retour en grâce de la boîte à musique n’est pas dû au hasard.

La boîte à musique marque un retour inattendu. Après la sortie ce printemps de l’album «Reuge Remixed» — dans lequel des DJ adaptent des mélodies mécaniques du célèbre fabricant de Sainte-Croix –, on découvre un nouveau type de boîtes à manivelle: au lieu d’égrener berceuses ou comptines, elles reproduisent les riffs ravageurs du groupe Queens Of The Stone Age (QOTSA).

En vente dans la boutique genevoise Antishop, ces petits mécanismes sont déjà en rupture de stock.

Collision de deux univers radicalement opposés? Pas tant que cela si l’on considère la boîte à musique comme la première forme de «musique programmée». A l’heure où la grande majorité des tubes radio sont joués par des machines, il y a une certaine logique à vouloir rendre hommage aux premiers rouages musicaux.

C’est le DJ et journaliste Olivier Rohrbach qui a eu l’idée de produire «Reuge Remixed». Il a proposé au fabricant de boîtes à musique de transférer ses mélodies classiques dans d’autres boîtes, nocturnes celles-là, en les mêlant à des sonorités électroniques. L’entreprise vaudoise avait déjà commencé à rajeunir son image avec des boîtiers style lounge et design.

«Pour ces remixes, j’ai fait appel à des DJ qui ont l’âme sensible à cet instrument, comme Sébastien Tellier, qui en possède plusieurs», explique-t-il. L’album s’est déjà vendu à 2500 exemplaires, un résultat honnête pour ce marché de niche.

Selon Olivier Rohrbach, la domination de la musique électronique et la disparition progressive des sons acoustiques encourage les musiciens à utiliser des instruments plus vieillots. «Il y a une sorte de recherche d’authenticité dans leur démarche. La boîte à musique manuelle a un côté calmant, magique et mystérieux qui séduit.»

La music box est à la mode. On connaissait le penchant de Yann Tiersen (compositeur des thèmes d’ «Amélie Poulain» et «Goodbye Lenin») pour la petite boîte.

On se souvient que Björk commençait ses concerts de la tournée Vespertine (2001) en tournant la manivelle. D’autres groupes y ont également recouru, comme Sigur Ros ou The Dresden Dolls, lesquels n’hésitent pas à la détourner pour produire des sons déraillants.

Tandis que ces musiciens utilisaient ses ressources sonores, d’autres faisaient fabriquer des rouleaux musicaux reproduisant leurs compositions. C’est Bertrand Castagnet de Lo-Fi Merchandising en Allemagne, qui a eu l’idée il y a trois ans de créer ces nouvelles boîtes à musique branchées.

Les 4’000 exemplaires de la boîte jouant le morceau «Better Living Through Chemistry» des Queens Of The Stone Age ont été écoulés en quelques mois.

Depuis, il a adapté divers morceaux des groupes de rock norvégiens Motorpsycho et Turbonegro, ainsi que des Ecossais de Mogwai.

L’aspect promotionnel de ces petits objets n’échappe à personne. La chanteuse Alison Goldfrapp avait l’intention de faire créer une boîte à musique jouant l’un des titres de son nouvel album, «Ooh La La», pour son lancement fin août. «Mais elle a manqué de temps, car la réalisation est très complexe», explique Eliane Stuber de Musikvertrieb, qui distribue l’album en Suisse.

Du coup, la maison Reuge a également suivi la tendance. Elle a fabriqué des boîtes jouant le titre «Belle» de Notre Dame de Paris, « My Heart Will Go On» de la bande-son du film «Titanic» ainsi que «Morning Dreams», un morceau spécialement composé par Phil Collins.

L’entreprise vaudoise va maintenant tenter de changer de registre: «Nous travaillons avec des compositeurs contemporains afin d’intégrer à nos boîtes à musique de nouveaux arrangements pour séduire une clientèle plus jeune», explique Alexandra Louvrier du service marketing.

De son côté, Bertrand Castagnet, de Lo-Fi Merchandising, s’apprête à produire de nouvelles boîtes décalées. «De plus en plus de groupes de rock et de metal sont intéressés par le jouet, comme Slayer, HIM et Prodigy. Comme je travaille avec une entreprise chinoise, le coût de production reste bas et le concept est amusant. De plus, on sait que les musiciens sont tous des grands enfants…»

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“Reuge Remixed, The Art of Mechanical Music” (Muve/Musikvertrieb), compilation par Olivier Rohrbach, avec Sébastien Schuller, Sébastien Tellier, Ralph Myerz.