CULTURE

…de mon sac à dos: Daniel de Roulet

Un livre, une balade: la série estivale de Gérard Delaloye suit avec les chroniques de voyage de Daniel de Roulet, à lire dans un lounge d’aéroport.

Daniel de Roulet est un écrivain en phase avec son temps: non seulement il ne tient pas en place, avale chaque matin son lot de kilomètres, sillonne le monde (de préférence l’hémisphère nord) avec application, mais il écrit aussi des livres en mouvement comme le prouvent ses trois derniers titres.

Dans «L’envol du marcheur» il trotte entre Paris et Bâle.

Dans les «Chroniques américaines», il parcourt les Etats-Unis pour observer le processus de «bushification» des maîtres du monde. Et le protagoniste de son dernier roman, «L’homme qui tombe», passe d’un avion à l’autre, non pour son plaisir mais pour des raisons professionnelles.

Comme il n’est pas donné à tout le monde de sillonner les cieux entre la vieille Europe et le Japon, c’est donc à l’occasion d’un passage prévu dans un aéroport, d’une correspondance à prendre à Amsterdam, Francfort ou Madrid qu’il convient d’avoir «L’Homme qui tombe» dans la poche de son sac à dos.

Il n’est pas encombrant (11,5 cm x 19), pèse peu (150 gr) et est d’une lecture agréable. Placez-vous un peu en retrait tout en levant l’œil de temps à autre sur le mouvement des passagers pour voir si rien de bizarre n’est en train de se passer. On ne sait jamais, la (més)aventure survenue à Georges vom Pokk pourrait aussi vous arriver.

Georges vom Pokk est responsable de la sécurité des centrales nucléaires de l’Entreprise. Le neutre généralisant et globalisant signifié par la majuscule d’Entreprise implique que l’ingénieur, descendant d’un industriel rencontré dans un roman précédent («Bleu siècle», Seuil, 1996) est l’Employé, un individu chargé d’appliquer un certain nombre de consignes très précises, garantes du bon fonctionnement e l’Entreprise, donc de la société.

Ses consignes sont égrenées par ordre alphabétique en exergue de chacun des chapitres, en jouant sur le double sens des mots: une excursion nucléaire a peu à voir avec une balade!

C’est en prenant l’avion pour Osaka en compagnie d’une collègue qu’il remarque une jeune femme prisonnière encadrée de policiers. Une réfugiée expulsée, selon toute vraisemblance. Il ne reste pas indifférent: «Je ne peux m’empêcher de croiser le regard de cette femme. Cette fois, je constate qu’elle me fixe longuement, comme pour me dire qu’elle me connaît depuis toujours, qu’elle sait le type d’ingénieur que je suis. Et que ma vie n’en a plus pour longtemps avant d’être happée à la fois par le vide et par elle».

Une semaine plus tard, lors du vol de retour, il retrouve la femme menottée du vol aller à laquelle il n’avait cessé de penser. Probablement expulsée par les Japonais. A l’arrivée, mauvaise surprise, les passagers sont mis en quarantaine sanitaire.

La mystérieuse passagère prend l’initiative. Elle est Tchétchène, s’appelle Tchaka. Ils se plaisent: «J’avais cru connaître la suite du scénario. Sur le lit, l’un à côté de l’autre, nous aurions eu des gestes de plus en plus tendres, des sourires intimes, des caresses partagées. Ensuite, sans trop y mettre de raisonnement, nous aurions rapproché nos corps, nos histoires, pour en faire un roman d’aérogare.»

Mais la ceinture de dollars qu’elle porte autour de la taille lui coupe toute envie. Ils fraternisent cependant avant qu’elle ne disparaisse, laissant une lettre explicative sur ce qu’elle a vécu à Grozny, l’enlèvement de son mari par les Russes. Lancé à sa recherche dans les zones interdites de l’aéroport, il la retrouve et ensemble ils échafaudent un plan qui devrait permettre à la fugitive de trouver un havre. La solution que je vous laisse découvrir est à la mesure de la complexité du monde dans lequel nous vivons…

«L’Homme qui tombe» est le quatrième titre de la série bleue commencée par Daniel de Roulet en 1995 avec «La Ligne bleue». Comme dans les autres volumes, l’auteur porte un regard sans complaisance mais très documenté sur les dérives de nos sociétés. Roman après roman, il s’impose comme le chroniqueur impitoyable de la mondialisation, des mouvements, des échanges et des confrontations qu’elle génère. Avec, sur le bleu de l’arrière-fond, un humour froid comme témoin d’un certain désenchantement.

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«L’Home qui tombe», roman de cheap tadalafil 40 mg, Ed. Buchet-Chastel, 2005, 180 p.

Daniel de Roulet collabore à Largeur.com où il a notamment publié «when was cialis approved», un feuilleton en 34 épisodes consacré au Forum du même nom.

Dernier texte publié dans nos colonnes, «Requiem pour un dissident», est un hommage à Marco Camenisch et une réflexion sur sa condamnation.