discount tadalafil 20mg

Comment les blogs concurrencent la grande presse

Experts ou journalistes improvisés, les «blogueurs» ont déjà eu la peau de deux personnalités des médias américains. Leurs sites commencent à attirer les publicitaires.

Les groupes de presse ont perdu leur monopole. Depuis l’apparition du web, ils doivent faire face à une concurrence mobile qui peut surgir n’importe où. Les premières alertes ont eu lieu il y a dix ans, quand des journalistes amateurs comme Matt Drudge ont balancé sur le réseau des scoops à haute valeur polémique (c’est lui qui a déclenché l’affaire Lewinsky).

Le phénomène est resté relativement marginal jusqu’à l’apparition des blogs, au début de la nouvelle décennie. Ces outils d’édition facilitée permettent désormais à n’importe quel internaute de s’improviser éditorialiste. Avec trois avantages décisifs: la simplicité d’usage, la souplesse de mise à jour et une interactivité favorisant le dialogue avec les lecteurs.

Si 99,9% des dix millions de blogs recensés à ce jour n’ont d’intérêt que pour leurs auteurs, la portion restante représente quelques milliers de sites qui méritent le détour et commencent à concurrencer les médias établis.

Deux personnalités de la presse américaine s’en sont aperçu à leurs dépens ces derniers mois. Dan Rather, le présentateur vedette de CBS, a dû démissionner à la suite d’une bataille contre le blog Powerline, alimenté par trois avocats proches du Parti républicain. En démontrant que le scoop de Rather sur le passé militaire de George W. Bush était basé sur un document falsifié, Powerline a mis un terme à la carrière du plus célèbre des journalistes américains.

Quelques semaines plus tard, c’était au tour du directeur de l’info de CNN, Eason Jordan, de démissionner après une campagne de dénigrement menée par des blogs conservateurs. Invité au forum de Davos (où, pour l’anecdote, il a conquis Sharon Stone), Jordan avait déclaré que l’armée américaine avait pu tuer volontairement des journalistes en Irak. Ses propos ont déclenché une telle tempête dans la blogosphère que la grande presse a été forcée de les relayer, et le journaliste de démissionner.

Bernard Rappaz, rédacteur en chef de tsr.ch, a été l’un des premiers blogueurs à retranscrire les propos d’Eason Jordan (ce qui lui a valu d’être abondamment cité par ses confrères américains). «On constate que les blogs peuvent amener le meilleur comme le pire, dit-il. Des rumeurs amplifiées, des voix extrémistes, mais aussi un nouveau type de journalisme. Plus que jamais, le journaliste doit trier l’information. En amont, son blog lui permet de récolter des données (témoignages, photos, vidéos, etc.), et en aval, de prolonger le débat avec ses lecteurs.»

Un modèle économique commence à se dessiner. Exemple: la société française Social Media Group, créée il y a quatre mois. «Nous avions tous une expérience dans les médias et nous étions blogueurs à titre privé, explique l’un des fondateurs, David Koskas, ancien du magazine Teknikart. Après un an de réflexion, nous avons décidé de nous lancer.»

Social Media Group réunit sept blogs francophones et deux en allemand sur des thèmes allant de l’automobile à la santé en passant par la finance et les bébés. «Notre mission est de trouver les experts qui animent ces blogs et lancent des discussions avec les lecteurs. Nous les payons pour cela. C’est ensuite à nous de faire connaître ces sites et de les rentabiliser par la pub.» Les blogs de Social Media Group attirent entre 80’000 et 120’000 visiteurs mensuels, une audience qui double tous les mois.

Au coeur de ce phénomène, Google joue les maîtres de cérémonie avec son service AdSense, qui gère la publicité. Les annonceurs lui achètent des liens, que le moteur de recherche ira placer sur les sites les plus adaptés. La valeur d’un clic peut varier fortement; Google reverse entre un dixième de centime et plusieurs francs au site qui redirigera un visiteur vers celui de l’annonceur.

«Google, c’est le poumon de la nanopublication, s’enflamme David Koskas. Même sur des thématiques très ciblées, AdSense permet de générer des revenus non négligeables.» Des gains d’autant plus appréciables que les blogs sont encore loin de convaincre les régies publicitaires. «Pour eux, nous sommes encore les vilains petits canards», glisse David Koskas. Jusqu’à quand?

Collaboration Felix Simon.

——-
«Blog Story». D’Emily Turrettini et Cyril Fiévet, Ed. Eyrolles.

——-
Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 28 avril 2005.