Afin de désengorger le trafic automobile toujours plus chargé en Suisse, la Confédération a introduit, depuis janvier 2023, un nouveau panneau pour favoriser le covoiturage. Les entreprises ont aussi un rôle à jouer afin d’encourager la démarche.
Chaque jour, les Suisses parcourent en moyenne 30 kilomètres, la plupart du temps en voiture, selon l’Office de la statistique (OFS). Or, le taux d’occupation par véhicule s’élève à 1,5 personne en moyenne, et même à 1,1 pour le trafic pendulaire. Cette situation engendre une congestion routière toujours plus importante. «Le trafic sur les autoroutes a augmenté de 130% depuis 1990, et les heures d’embouteillages ont triplé depuis l’an 2000», constate Lorenzo Quolantoni, responsable de la communication à l’Office fédéral des routes (OFROU).
Afin de fluidifier le trafic, la Confédération a mis à disposition le panneau «Covoiturage» depuis le 1er janvier 2023. Objectif: faire bénéficier les voitures transportant plusieurs passagers de certains avantages. «Un meilleur remplissage des véhicules représente un important potentiel d’amélioration. Il s’agit de donner aux communes et aux cantons la possibilité de promouvoir ce type de transports», poursuit Lorenzo Quolantoni.
Le symbole permet d’indiquer des voies dédiées au covoiturage et le nombre d’occupants minimum pour qu’un véhicule puisse les emprunter. Il peut aussi être utilisé pour signaler des places de stationnement que des voitures avec plusieurs passagers peuvent occuper à leur arrivée.
Impulsion genevoise
Depuis 2018, le canton de Genève dispose d’une voie réservée au covoiturage à la douane de Thônex-Vallard. «Le dispositif a tout d’abord été mis en place de manière expérimentale en partenariat avec les autorités françaises et suisses, l’ATMB et la douane de Thonex-Vallard, explique David Favre, directeur général de l’Office cantonal des transports (OCT). Ce test a permis de montrer la pertinence d’une telle voie. L’excellente collaboration avec l’Office fédéral des routes (OFROU) a ensuite permis une modification de la législation fédérale afin de pérenniser le projet.»
Des analyses réalisées par l’OCT en janvier 2020 attestent des bénéfices du dispositif. Aux heures de pointe du matin, la part des véhicules traversant la frontière française vers la Suisse et qui transporte au moins deux personnes est ainsi passée de 10,8% en 2018 à 12,9% en 2020. Une petite augmentation qui a surtout permis de fluidifier le trafic, puisque cette voie dédiée est plus rapide, ce qui répartit les voitures et réduit le nombre de personnes passant sur les autres voies. «Les temps de traversée de la douane, qui pouvaient atteindre jusqu’à neuf minutes, ont pu être réduits à quatre minutes en moyenne. Alors que le trafic global a augmenté de 10% entre 2019 et 2020 à Genève, les bouchons à la douane de Thonex-Vallard ont diminué d’environ 35% grâce à cette voie», détaille David Favre. Une nouvelle voie dédiée au covoiturage pourrait voir le jour à la douane de Bardonnex à l’horizon 2028.
Application sur les autoroutes
À l’échelle de la Suisse, une application du symbole sur les autoroutes devra être envisagée au cas par cas. «Le tronçon en question devra disposer d’au moins trois voies. Il devra aussi compter peu de jonctions et de bifurcations. Celles-ci entraînant en effet de nombreux changements de voies, qui perturbent le trafic et rendent l’accès à une voie de covoiturage difficile. Or, c’est autour des agglomérations que les autoroutes ont le plus de jonctions. Une voie dédiée au covoiturage dans ces régions ne pourrait donc être empruntée que sur de courtes distances, et n’aurait que des effets positifs très limités, ou pourrait même péjorer la fluidité du trafic», détaille Lorenzo Quolantoni.
Contrôles et encouragements
Afin de garantir l’efficacité d’une telle mesure, des systèmes de contrôle fiables doivent être créés. «Nous disposons désormais des bases légales nécessaires afin d’effectuer ces vérifications, se réjouit David Favre de l’OCT. Les effectifs douaniers et policiers ne permettent toutefois pas de les assurer au quotidien. À l’avenir, des technologies telles que des caméras thermiques, capables de détecter la chaleur pour déterminer combien de personnes se trouvent à bord d’un véhicule, pourraient constituer une aide précieuse, pour autant que ces dispositifs soient homologués.»
Le dispositif doit aller de pair avec des mesures incitant les automobilistes à adopter de nouvelles habitudes. Responsable de la politique des transports et campagnes de l’Association transports et environnement (ATE), Martin Winder souligne le rôle essentiel que jouent les entreprises afin de favoriser la démarche. «Les horaires pour se rendre et partir du travail restent relativement fixes, ce qui facilite la mise en place d’un covoiturage. Effectuer des trajets avec ses collègues, plutôt qu’avec des inconnus, contribue en outre de se sentir en sécurité.» Des avantages comme une place de parking gratuite ou une prime de mobilité encouragent ces comportements au sein d’une société.
À l’instar de BlaBlaCar en France, des sites et applications comme Covoiturage Arc Jurassien, HéLéman, LémanStop ou encore E-Covoiturage entendent aujourd’hui faciliter la mise en relation des automobilistes en Suisse. «Afin qu’une application soit réellement efficace, elle doit toutefois permettre à l’utilisateur de planifier son trajet du premier au dernier kilomètre, en incluant les différents moyens de transport donc le covoiturage fait partie. Il s’agit de penser la chaîne de mobilité dans sa globalité», conclut David Favre.
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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.