Alors que les Etats-Unis affichent une croissance impressionnante de leur productivité, la Suisse reste à la traine. Voici ce qui ne fonctionne pas.
Plus que la croissance, c’est la recherche des gains en productivité qui compte pour les entreprises. Il devrait en être de même pour les nations. Parce que les gains en productivité dégagent des marges, donc de la richesse. Et seule la création de richesses nouvelles supporte notre organisation sociale.
Que cela soit le système de la prévoyance sociale, de la santé, de la vieillesse, de l’éducation, des transports ou toute autre activité collective ou publique, tout dépend en dernier lieu de la capacité à redistribuer les bénéfices des gains, donc des marges de la productivité.
Une fois que cette donnée de base a été comprise, on peut se concentrer sur la problématique de la productivité et de son efficacité.
Ce qui frappe, dès lors, c’est la capacité de certaines nations à progresser dans ce domaine, et d’autres pas du tout. Les Etats-Unis se retrouvent dans le premier groupe, la Suisse dans le dernier. Comment comprendre cette situation?
Les Etats-Unis ont compris les changements économiques induits par la révolution des technologies de l’information, et ils en ont tiré profit. Les chiffres le démontrent: la croissance annuelle de la productivité américaine s’est accélérée depuis trente ans, passant de 1,2% au milieu des années 70 à 4,2% depuis 2000!
A titre de comparaison et pour la période 1992 à 2001, la Suisse a connu en moyenne une croissance de la productivité de 0,95%.
Comment expliquer une telle différence?
D’abord, aux Etats-Unis, les prix des télécommunications sont restés très bas, voire gratuits pour la communication téléphonique locale. Cela a permis à internet de se développer extrêmement rapidement puisque les consommateurs n’ont jamais eu à payer leurs communications sur le réseau local!
Ensuite, il n’y a pas eu d’impôt sur le commerce par internet. Des entreprises comme Amazon et eBay ont pu en profiter et réduire le prix final payé par le consommateur. Cela a eu comme conséquence la disparition d’un certain nombre d’intermédiaires qui profitaient de leur rente de situation, comme les agences de voyages par exemple. L’ensemble du système a évidemment gagné en efficacité et en productivité.
Finalement, les opérateurs téléphoniques ont été immédiatement mis en concurrence avec les compagnies de téléréseau qui ont offert des services à haut débit. Le haut débit, comme chacun le sait, étant la condition sine qua non de la réussite d’internet et de son développement.
Lorsque l’on compare ces mesures à l’attitude des autorités fédérales suisses et de Swisscom, on comprend à quel point la responsabilité de ces derniers est immense dans l’absence de productivité en Suisse. Depuis plus de dix ans, nous subissons une croissance faible, voire stagnante alors qu’une simple libéralisation du marché d’internet, même à la mode américaine, aurait permis un décollage économique aujourd’hui tant souhaitable pour tous.
L’innovation et l’usage des nouvelles technologies passent toujours par des conditions-cadres favorables à son essor. Il ne faut pas l’oublier. Rien ne vient sans rien.
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Xavier Comtesse, mathématicien, est directeur romand d’Avenir Suisse, le think tank des grandes entreprises du pays.