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A propos du touché buccal de Saddam Hussein

Oui, ces images du dictateur et de son ange infirmier sont proprement renversantes. De bouche à Bush, elles modifient nos perceptions des rapports de force. Analyse.

Si les images de Saddam Hussein ausculté par un membre des forces d’occupation américaines en Irak sont littéralement renversantes, c’est qu’elles font basculer nos schémas mentaux sur deux points essentiels.

L’un touche à notre perception des Etats-Unis: pour la première fois depuis des décennies, Washington examine avant d’écraser. Et l’autre touche à notre perception du dictateur irakien: pour la première fois, celui-ci fait l’objet de soins au lieu de faire exterminer ses contradicteurs ou de gazer des villages kurdes.


Saddam Hussein

Ainsi peuvent se constituer ces séquences télévisées mémorables où le sommet du pouvoir impérialiste et néolibéral planétaire se fait représenter par un travailleur sanitaire muni d’une lampe de poche, d’un coton-tige et d’une languette de bois, qui prend soin d’un patient docile évoquant la douceur et même la gratitude.


Saddam Hussein

La scène est forte non seulement par le démenti qu’elle apporte dans ce que nous concevons de la scène idéologique et politique internationale, mais aussi parce qu’elle nous rappelle des valeurs morales et civiques écornées sous nos propres latitudes: si j’appartenais au gouvernement français coupable d’avoir laissé se lyophiliser des centaines de vieillards dans l’Hexagone caniculaire de cet été, la vision biblique de Saddam et de son ange infirmier m’étreindrait de honte.

Tout s’achève néanmoins, même la mise en illusion des réalités. L’ange infirmier s’est en effet muni de gants élastiques pour accomplir son numéro de spéléologie buccale, et le figurant fraîchement déterré de son encavement secret passe chez le barbier pour redevenir le Saddam criminel compulsif et génocidaire de masse.


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Nous revoici par conséquent dans le dispositif de nos perceptions usuelles, ou dans la vérité redépliée. Quand cette dernière aura retrouvé ses périmètres dans leur plénitude, Bush retombera dans les sondages, Blair redeviendra le caniche morveux qu’il est, et la moustache d’Aznar nous rappellera de nouveau comiquement celle d’un peintre autrichien du XXe siècle. C’est la vie.