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Lausanne revoit ses classiques

Anciens kiosques, abribus ou WC publics, les édicules connaissent un second souffle grâce à des exploitants qui mettent la passion de leur métier au service de ces petits bijoux architecturaux et à une volonté politique de réhabilitation. Tour d’horizon urbain.

Au détour d’une rue ou camouflés au milieu des arbres d’un parc paisible, les édicules – également connus sous l’appellation d’aubettes – accentuent l’enchantement de la ville. Après une première vie de service au sein de la cité, la plupart avaient été laissés à l’abandon au fil des ans, ou utilisés pour entreposer les outils des jardiniers de la ville. Depuis les années 2000, 24 d’entre eux ont repris vie, dont six sont classés au patrimoine architectural vaudois. La majorité est devenue des restaurants et des cafés. D’autres sont par exemple consacrés à des projets culturels, comme ceux de la Maladière (en travaux en 2023), du Tunnel ou de Rumine où des artistes locaux peuvent régulièrement présenter leur travail.

Le calme en plein centre-ville

«La majorité des édicules date de la fin du XIXe  siècle. Ils pouvaient avoir trois fonctions parfois liées : abri pour la clientèle du tram, WC publics et, plus souvent, kiosque vendant journaux et cigarettes », explique Martine Jaquet, historienne de l’architecture, spécialiste des XIXe et XXe siècles en Suisse romande et auteure d’un article sur l’histoire des édicules dans Monuments vaudois. Sous l’allée des marronniers au cœur du parc de Mon-Repos, l’un d’eux a été, en 2001, le premier à être rénové à Lausanne: la Folie Voltaire. Dès le printemps, les amoureux de brunchs et les jeunes parents ne souhaitant pas se sentir encombrés par leur poussette aiment s’y donner rendez-vous pour un instant hors du temps. «Dans le cas de la Folie Voltaire et de l’édifice de Beaulieu, devenu le Café Perché en 2019, on parle plutôt de pavillons, précise Martine Jaquet, car il s’agissait à l’origine de pavillons de jardin en lien avec des maisons de maître des XVIIe-XVIIIe siècles.»

Delphine Veillon a été la tenancière de la Folie Voltaire pendant quinze ans avant de remettre les clés à l’un de ses serveurs, Raffaele Elia, en 2016. Elle se replonge dans la magie du lieu : «Au XVIIIe siècle, le propriétaire de la Villa Perdonnet, dans le parc de Mon-Repos, invitait régulièrement Voltaire chez lui et organisait de petites pièces de théâtre et des concerts dans le jardin. «Folie» est le terme architectural désignant ces petits édifices.»

Aujourd’hui, Delphine Veillon est cogérante du Café Perché, qui a vu le jour dans le pavillon historique situé sur la Promenade du Bois-de-Beaulieu. Elle précise, amusée: «Terriblement en avance sur leur temps, les propriétaires du château de Beaulieu avaient érigé ce petit édicule comme lieu de méditation au XVIIIe siècle.» Ouvert à l’automne 2019 et conçu, au départ, comme un magasin-kiosque avec des produits à emporter, le Café Perché, qui a fait du circuit court et du zéro déchet ses priorités, a une capacité de neuf places assises. «C’était un peu réducteur pour cette belle et grande esplanade», déplore la co-tenancière qui avait entrepris un processus pour changer d’affectation auprès de la Ville afin d’agrandir la terrasse dès cette saison.

Lausanne se voit pousser des ailes

Le Kiosque Saint-François a vécu sa rénovation en 2012. Réhabilité de façon spectaculaire, il est passé de salle d’attente désertée à café de caractère. « C’est un objet patrimonial de grande valeur avec ses ferronneries et ses portes magnifiques de laiton martelé. Les travaux ont remis en valeur les menuiseries intérieures. Installer quelques tables à l’intérieur et à l’extérieur pour utiliser les banquettes, c’est parfaitement adéquat avec l’objet lui-même », précise Martine Jaquet. Les demandes successives d’agrandissement de la terrasse prouvent la prospérité du café, lieu de rencontre privilégié des Lausannois.

Après la Folie Voltaire et le Kiosque SaintFrançois, le programme de réhabilitation des édicules a pris un nouvel essor avec trois appels à projets lancés par la Ville en 2014 : le bâtiment de 1917 abritant les WC publics de Montriond, en lisière du parc de Milan, qui allait devenir un café, Le Montriond ; l’ancien arrêt de bus situé à la rue du Bugnon 31, en face du CHUV, où quelques tables invitent aujourd’hui à déguster les plats maison de Little Saigon, petit frère du restaurant Les Rues de Saigon, situé en contrebas ; et l’ancienne salle d’attente des Transports lausannois du Pont de Chailly, occupée depuis 2018 par le marchand de glaces artisanales LABO Gelateria. Connue pour ses parfums de glace atypiques tels que le sésame noir, l’enseigne fondée par Malou Zryd a vu sa glace aux agrumes italiens remporter le premier «Parcours des glaciers», un concours organisé par l’association Lausanne à Table, en août 2022.

Partout, de petites constructions plus modernes font également vibrer la ville et ont été intégrées à la politique des édicules mise en place en 2018: celui de la place de la Sallaz met à l’honneur le Marché des Tilleuls, consacré aux produits du terroir, et la boutique Güttinger Fleurs. À la place de Milan, la roulotte La Milanette propose, aux beaux jours, yoga et autres activités récréatives. La Jetée de la Compagnie et le Minimum abritent des bars-restaurants dont les terrasses les pieds dans l’eau comptent parmi les favorites des locaux. Le kiosque de Vidy sert, depuis l’Expo 64, de point de départ à un périple inoubliable pour les enfants à bord du P’tit Train.

«Auparavant, il manquait une porte d’entrée unique. Chaque service avait sa façon de faire et il n’existait pas de vision globale, analyse Julie Wuerfel, responsable de l’Unité durabilité et participation à la Ville de Lausanne. Quand Natacha Litzistorf a été élue en 2016 à la Municipalité, elle a souhaité identifier une politique publique pour établir des orientations stratégiques et des conditions comparables pour tous les tenanciers et exploitants des édicules.»

La vie de quartier, le poumon de la ville

Giliane Braunschweig est restauratrice. En 2015, elle s’était distinguée parmi les nombreux dossiers et avait gagné, avec ses deux associés, le projet Montriond. Elle est aujourd’hui seule aux commandes de l’établissement. Contrairement à ce que laisserait penser sa magnifique terrasse, Le Montriond n’est pas saisonnier : ses 18 places intérieures sont exploitées de mars à décembre. Depuis le début, amener de la vie dans le quartier et tisser un lien avec les habitants sont les priorités de la gérante: «Ce lieu a une fonction de place de village, sa vocation est vraiment sociale et transgénérationnelle. Cette année, le Montriond collabore ponctuellement avec de nouveaux fournisseurs pour varier les plaisirs. On trouvera ainsi à la carte les mets du takeaway Yomi, les kebabs végétariens de Alles Gut ! ou encore les dumplings de Madame Sum.»

La dimension sociale des aubettes séduit aussi la clientèle. Architecte, urbaniste et artiste au sein du bureau Baraki, Jeanne Wéry partage la même vision. Outre le charme nostalgique du Kiosque Saint-François, elle apprécie que le lieu pratique un prix préférentiel du café pour les chauffeurs de bus. «Je trouve que c’est important, cela signifie que la fonction première de l’édicule, un espace d’attente des bus, est restée et a évolué. Les clients prennent un café et les chauffeurs se mêlent aux habitués.»

Mirages urbanistiques, points de rencontre extraordinaires à l’abri du stress du quotidien, les édicules ont permis à Lausanne de se positionner de façon exemplaire en matière de réaménagement de son espace public en Suisse romande.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans The Lausanner (n° 11).