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Rien ne va plus, faites vos jeux

Le projet Suisse 2030 de joutes olympiques paraît avoir le soutien de la population. Un paradoxe dans un monde en feu, mais qui s’explique assez facilement.

Le pain, ça va. Pour les Jeux en revanche, ce n’est pas terrible. 1948 n’est pas seulement l’année de la fondation de l’Etat d’Israël mais aussi celle où la Suisse, pays qui s’imagine volontiers très sportif, a organisé pour la dernière fois un grand raout olympique.

La faute d’abord, à une certaine frilosité populaire – le Suisse est peut-être sportif mais il sait aussi compter ses sous – puisque de nombreux projets ont capoté en votation, comme ce fut le cas, la dernière fois, pour Sion 2026. Il faut dire que nous sommes un des rares pays, sinon le seul, où en matière de Jeux olympiques, on demande leur avis aux citoyens.

Tout cela pourrait changer avec le projet Suisse 2030. Une aventure, au premier abord, qui paraît se présenter sous de sympathiques auspices. Le projet correspond d’abord en tous points aux exigences nouvelles du CIO, qui insiste sur la maîtrise des coûts, la préexistence des infrastructures nécessaires, la décentralisation, et une expérience avérée de l’organisation de grandes compétitions internationales.

S’agissant de la décentralisation par exemple, elle serait totale avec Suisse 2030, les compétions se répartissant à travers tout le pays sur au moins une douzaine de sites, dans des lieux ayant déjà organisé des championnats du monde et disposant des infrastructures idoines.

Quant à la maîtrise des coûts, aucun souci, puisqu’à priori pas un centime d’argent publique ne sera investi et que le principe de base est de n’engager aucune dépense qui ne soit déjà financée, quitte à sous-dimensionner le projet initial. «On correspond à 99% aux critères du CIO», peut ainsi affirmer l’ancien judoka Sergei Aschwanden, membre du conseil exécutif de Swiss Olympic. Même si évidemment, entre les principes et la réalité, il y souvent un méchant gouffre, surtout s’agissant du CIO, qui a déjà prouvé sa capacité à dire une chose et à faire son contraire.

L’épineuse question du soutien populaire parait elle aussi vite – trop vite? – réglée. Swiss Olympic vient en effet de dévoiler une étude de faisabilité montrant, sondage à l’appui, que 67% de la population soutiendrait une nouvelle candidature suisse aux JO. Pas de quoi satisfaire les Verts et les organisations de l’environnement, traditionnels adversaires, par principe, de ce genre de manifestation.

«Un millier de personnes qui donnent leur avis, au regard de la population suisse, ce n’est pas suffisant», avance ainsi, dans les colonnes du Temps, Philippe Cina, coprésident des Verts valaisans, renouant avec un grand classique consistant à casser le thermomètre quand il vous est défavorable.

«Prendre le pouls de la population est, à n’en pas douter, bénéfique. Mais ça s’appelle un sondage et il a été réalisé», répond avec morgue mais non sans raison, Frédéric Favre, le ministre valaisan des sports. Disons enfin que la décentralisation extrême des sites met probablement Suisse 2030 à l’abri d’un référendum fatal.

On peut bien sûr être contre les Jeux. On peut à bon droit mettre en avant qu’à une époque si troublée et en pleine catastrophe climatique, il y a peut-être mieux à faire que d’organiser des joutes sportives géantes sur nos pentes immaculées. Mais l’argument peut se retourner: c’est précisément dans un monde en plein désarroi que le jeu apporte une respiration bienvenue.

Il serait en tout cas bien sot d’affirmer, comme on l’a entendu souvent et comme on va l’entendre encore, que les Jeux olympiques, «ça ne sert à rien». Pas besoin de relire Pascal et Schopenhauer pour savoir l’importance du divertissement dans la condition humaine, quitte à déplorer cet état de fait, comme les philosophes. Le déplorer est une chose, le nier une autre, qui consiste simplement à refuser de voir le réel parce qu’il ne nous convient pas.