KAPITAL

Donkey Republic trouve ses marques à Genève

Après un démarrage timide en 2020, le service de vélo-partage géré avec l’association Genèveroule a su étendre son réseau et pérenniser son activité. La plateforme danoise souhaite désormais intégrer ses vélos à un projet plus large.

«En 2022, Donkey Republic peinait encore à rentabiliser son activité à Genève et prévoyait déjà d’y mettre fin si la tendance ne s’inversait pas.» Mais la situation a totalement changé. Cédric Dunner, responsable du service de la société danoise à Genève, ne cache pas sa satisfaction face aux dernières statistiques d’utilisation. En 2023, la plateforme a enregistré entre 800 et 1’500 locations par jour pendant l’été, avec un pic à plus de 2’000 en juillet, contre 400 locations l’année précédente.

«Pumba, Heidi, Lennon», l’application nomme ses vélos de manière ludique. En 2023, après s’être retirée de Céligny, l’entreprise s’est étendue à trois communes supplémentaires (Genthod, Bellevue et Pregny-Chambésy) et a renforcé la densité en stations de parcage. Elle en compte désormais près de 580 réparties dans 22 communes, dont environ 350 en ville de Genève. La flotte s’est également largement agrandie, passant d’environ 200 véhicules disponibles lors du lancement en septembre 2020 à près de 900 en 2023, dont un tiers de vélos électriques. L’entretien est externalisé auprès de Genèveroule qui leur dédie une dizaine d’employés et un atelier de réparation.

Une visibilité accrue

Pour Cédric Dunner, les partenariats promotionnels lancés en début d’année avec d’autres acteurs locaux – notamment les TPG, le Léman Express, Genève Tourisme ou encore le Centre d’accueil de la Genève internationale – ont offert un coup de projecteur au service de location de vélos. «Près de la moitié des utilisateurs uniques se sont inscrits en 2023, alors que le service existait depuis plus de deux ans et demi. Genève a toujours eu un potentiel énorme pour une plateforme comme la nôtre, mais le service n’était pas assez bien connu du public jusqu’à présent.»

Malgré ces développements encourageants, il faudra encore attendre pour mesurer concrètement l’impact du service VéloPartage sur la mobilité de la population. Pour Patrick Rérat, directeur de l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives de l’Université de Lausanne, «il est difficile d’estimer dans quelle mesure ce succès reflète effectivement un report modal vers le vélo. Il faudrait se pencher sur les motivations des usagers, savoir à quel moyen de transport ils renoncent en empruntant les vélos, s’ils le font de manière ponctuelle ou régulière et si cette offre leur permet d’essayer le vélo ou de s’y remettre.»

Côté tarification, il faut compter 2 francs jusqu’à 30 minutes, 3,50 francs jusqu’à 1 heure et 9,50 jusqu’à 6 heures (entre deux et trois fois plus pour un vélo électrique). Sur les 43’300 utilisateurs uniques inscrits depuis le lancement du service en 2020, seuls 5% disposent d’un abonnement, mais la tendance est à la hausse. Au mois de septembre, près de 10% des nouveaux inscrits ont opté pour cette formule. Le forfait mensuel à 15 francs permet 2 heures d’utilisation par jour, 35 francs pour l’option électrique. À long terme, l’abonnement devient plus onéreux qu’un vélo neuf, mais l’application avance l’intérêt d’éviter tout frais d’entretien.

Intégrer l’offre aux autres transports publics

Patrick Rérat souligne l’importance d’une intégration du service de vélo en libre-service dans l’infrastructure globale de mobilité. «Il est essentiel de permettre aux usagers d’utiliser les transports alternatifs porte-à-porte et non pas seulement d’une gare à l’autre.» Pour y parvenir, plusieurs mesures sont envisageables, notamment «proposer des offres tarifaires groupées, comme c’est le cas avec les transports publics, donner accès à l’ensemble des transports avec un seul abonnement et, bien sûr, assurer un service fiable qui permette de trouver un véhicule à proximité où que l’on se trouve et de le rendre le plus proche possible de sa destination», poursuit-il.

Avec seulement 8% des déplacements effectués à vélo en 2021, malgré l’aménagement express de nouvelles voies cyclables pendant le confinement l’année précédente, Genève se classe encore loin derrière Bâle (21%) et Berne (19%), ce qui lui laisse a priori une grande marge de progression en la matière.

Cédric Dunner envisage d’ores et déjà une coopération plus étroite avec les acteurs clés de la mobilité du canton. «Nous souhaiterions développer des partenariats avec les principaux employeurs (comme les hôpitaux ou les chaînes de la grande distribution), en travaillant sur une offre de tarification conjointe avec les TPG ou encore en aménageant des pôles de mobilité dans des lieux hautement fréquentés comme Plainpalais, le Rondeau ou encore la gare Cornavin.» Organisés autour d’une signalétique particulière, ces pôles pourraient réunir vélos en libre-service, transports publics et véhicules en car sharing disponibles dans les parkings alentours, avec l’objectif de solutionner la problématique du dernier kilomètre.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.