GLOCAL

Seringue à deux vitesses

On votera donc sur l’initiative socialiste visant à ramener le montant des primes maladie à 10% du revenu. Avec à droite, en arrière-pensée, une libéralisation drastique à terme du système de santé.

Merci. Ceux qui entendent donner un grand coup de pieds dans la fourmilière devenue folle de l’assurance maladie, peuvent dire merci. Merci à la droite d’avoir adopté le plus minimaliste des contre-projets face à l’initiative socialiste entendant limiter le montant des primes à 10% du revenu. Et offrant ainsi de plus grandes chances à l’initiative en question.

Résumons, tout en constatant que la bataille autour de la Lamal se réduit à des questions de transferts d’argent plutôt que de santé publique. Bataille donc de gros sous mais aussi de Chambres. Pour contrer le projet socialiste jugé en effet trop onéreux – 4 à 5 milliards à charge de la Confédération – le Conseil national avait concocté un texte portant sur une aide de 2,2 milliards pour les assurés en péril. De son côté le Conseil des États avait fait de même mais en se montrant beaucoup plus chiche, ramenant la douloureuse pour la Confédération à 350 millions.

Or c’est la pingrerie qui l’a emporté, au moment où la hausse des prochaines primes est pourtant annoncée entre 7 et 10%. L’argument de la droite pour serrer les cordons de la bourse est de renvoyer tranquillement la patate chaude aux cantons, fédéralisme oblige, comme l’explique le conseiller national PLR Philippe Nantermod: «C’est aux cantons, ou plutôt à leur parlement, qu’il appartient de fixer le taux maximal de paiement de prime qui est prévu dans la loi, à eux encore de dire exactement à quelle sauce leurs citoyens seront mangés».

Ce qu’il y a de bien avec le fédéralisme, c’est qu’on peut s’en servir comme l’on veut, exactement et justement «à toutes les sauces». Même les plus immangeables. Mais c’est déjà gentil de reconnaître au moins que festin sanglant il y aura.

La gauche a eu beau jeu de rappeler que les cantons, en moyenne et à quelques exceptions près, ces dernières années ont plutôt envoyé le signal inverse, en baissant les subsides accordés aux assurés ne disposant que de revenus modestes et ne pouvant plus faire face aux primes.

Peine perdue donc, avec comme résultat que l’initiative socialiste ne sera pas retirée, alors qu’elle aurait pu l’être si le contre-projet plus généreux avait été adopté.

Tout se jouera donc dans les urnes en 2024. «Les gens ont peur de perdre du pouvoir d’achat, mais cette crainte n’entre pas au parlement. La seule chance pour la population de régler ce problème est d’approuver l’initiative», assène le conseiller national PS Pierre-Yves Maillard.

Tremble-t-on à droite? Même pas. Il faut être reconnaissant à l’UDC qui avoue, par la voix du conseiller national Manfred Bühler, ce que certains, sur cette partie de l’échiquier politique, ont en tête concernant l’avenir de l’assurance maladie: «Ce contre-projet est la moins mauvaise solution à court terme. À plus long terme, il faudra couper dans le catalogue de base de l’assurance maladie pour des primes plus basses».

Tout redeviendrait ainsi très simple, avec un retour à la période pré-Lamal et un système de santé ultra-libéral à l’américaine où, pour se soigner correctement il faudra juste en avoir les moyens.

En attendant cet avenir supposé radieux, mais pas pour tout le monde, c’est l’assuré qui continuera de cracher docilement au bassinet, soit comme malade, version de droite, soit comme contribuable, version de gauche. Voilà qui ressemble diablement à un choix perdant-perdant.