LATITUDES

Quand les artisans adoptent le vélo

Ils sont menuisiers, plombiers ou électriciens et utilisent désormais le vélo dans le cadre de leurs activités professionnelles. Une pratique qui permet de gagner du temps et de l’argent à condition d’être organisé. Témoignages.

Être coincé dans la voiture au milieu des embouteillages du centre-ville, puis se retrouver amendé pour stationnement gênant après avoir cherché pendant une heure une place de parking, c’est le quotidien de nombreux artisans. Certains ont ainsi décidé de changer de moyen de transport en adoptant le vélo. Plombier, électricien, menuisier ou spécialiste sanitaire, quatre artisans genevois ou vaudois convaincus par les avantages de la mobilité douce témoignent de leurs nouvelles pratiques professionnelles.

Gain de temps

«Pourquoi déplacer un véhicule de deux tonnes chaque jour pour transporter une caisse à outils de 15 kilos?» C’est en partant de cette réflexion qu’Alexandre Coianiz a décidé d’adopter le vélo cargo de manière professionnelle en 2017. Avec son entreprise Sani-Renov, spécialisée en installations sanitaires à Genève, il parcourt désormais le canton en deux-roues pour les petites réparations, dans un rayon de trois kilomètres autour du centre-ville. Il a également cofondé en 2019 l’Association des Artisans à Vélo qui vise à promouvoir la pratique, auprès des professionnels, du public et des politiques.

«Les bénéfices du vélo sont nombreux: rapidité d’intervention, facilité de stationnement, et réduction des frais d’essence, d’assurances et de parking.» L’organisation se révèle néanmoins primordiale. «Je demande à mes clients de m’envoyer des photos du dégât afin de préparer précisément les outils et fournitures dont j’aurais besoin. Avec la voiture, on transporte généralement plus que nécessaire.» Pour les chantiers plus importants, le plombier genevois demande à ses fournisseurs de livrer le matériel directement sur place.

Les locaux de Sani-Renov sont situés à Perly-Certoux (GE) et dans le quartier de la Jonction en centre-ville de Genève. Alexandre Coianiz y travaille aujourd’hui avec un employé. «Même si la camionnette reste indispensable pour transporter de grosses pièces sur de longues distances, le vélo garantit une plus grande sérénité et permet de s’épargner les embouteillages.»

La liberté de mouvement

Depuis 30 ans, Alain Jaccard, menuisier, arpente le canton de Genève avec son vélo dans le cadre de son activité professionnelle. «Je garde une voiture pour transporter les grosses pièces de bois ou lorsqu’il neige, mais pour mesurer un portant de fenêtre ou changer des charnières sous un évier, j’ai tout le matériel nécessaire dans mes sacoches.» En 1986, Alain Jaccard a repris la menuiserie familiale, créée en 1957 par son grand-père. Avec son employé, ils travaillent principalement pour la Ville de Genève et des régies immobilières.

«Le vélo électrique permet de faire de grandes distances facilement. C’est une sensation de liberté bien plus importante que la voiture puisque tout est accessible de manière fluide.» L’artisan a fait le choix d’un vélo électrique qu’il équipe de sacoches, «plus maniable que le vélo cargo». Il y ajoute parfois une remorque ou un caddie aménagé.

Situé en centre-ville de Genève, l’atelier Jaccard Menuiserie se trouve dans une rue désormais piétonne. «Je ne peux plus garder la voiture devant l’atelier, mais mon vélo, oui.» Au quotidien, il optimise ses trajets. «J’essaie de regrouper les rendez-vous avec mes clients et mes fournisseurs par quartier ou de répartir mes rendez-vous selon un itinéraire adapté au vélo.»

Le vélo comme véhicule de fonction

Voiture électrique, hybride ou vélo cargo, telles sont les options proposées aux employés d’Effitec, spécialiste des contrôles électriques basé à Échandens (VD). «Une grande partie de notre travail consiste à se rendre chez les clients pour tester leurs installations, ce qui réclame peu de matériel, explique John Epars, directeur de l’entreprise créée en 2002. La demande d’avoir accès à des vélos est venue de l’un de nos collaborateurs, Olivier Fischer, il y a trois ans. Nous voulions soutenir sa démarche, il a donc aujourd’hui un vélo de fonction et un abonnement Mobility en cas de besoin.» Le vélo cargo électrique a représenté un investissement d’environ 10’000 francs, «rapidement rentabilisés» selon John Epars.

«La qualité du service est améliorée puisque, n’étant pas dépendant de la circulation, le conseiller en sécurité arrive toujours à l’heure. Notre employé Olivier exprime quant à lui un bien-être amélioré et l’initiative soutient notre volonté de réduire l’impact carbone de la Suisse romande.» L’entreprise de 30 employés – dont 20 sur le terrain – vient cette année d’acquérir un deuxième vélo.

«La démarche doit rester personnelle, selon John Epars. Le secteur d’intervention influence aussi le type de mobilité choisi: le vélo se révèle idéal en milieu urbain, moins dans les campagnes. Trouver au sein de son entreprise un collègue cycliste et faire de lui un ambassadeur du vélo offre un très bon moyen de favoriser la démarche à l’interne.»

Convaincre les clients

«Le vélo représente une solution idéale pour se déplacer rapidement dans la circulation dense des centres-villes. À Genève par exemple, le vélo permet de gagner environ 15 minutes sur chaque trajet par rapport à la voiture.» Renato Pessoa est responsable sanitaire chez Liaudet Pial. L’entreprise de 175 employés basée à Renens (VD) est spécialisée dans l’assainissement, le débouchage et le curage des canalisations et conduites en Suisse romande et dans canton de Berne.

«Repenser notre mobilité fait partie de notre volonté d’améliorer notre engagement en faveur de l’environnement.» La mobilité douce exige cependant une évaluation précise des demandes en amont de l’intervention. «Le diagnostic du problème est prépondérant, pour estimer si une intervention est faisable à vélo ou non et évaluer le matériel nécessaire.» Les facteurs météorologiques peuvent également être un frein, à l’instar de «la neige et de la canicule».

Depuis 2021, Liaudet Pial met à disposition de ses collaborateurs six vélos électriques dont deux vélos cargo. «Il faut convaincre les clients, qui montrent parfois du scepticisme face à notre service.» Outre le gain de temps, l’entreprise constate également un gain financier, répercuté sur le prix final. «Les interventions à vélo sont facturées moins cher au client que celles faites en voiture, notamment pour les inciter à adopter ce service.»

_______

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.