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Un demi-siècle au chevet de nos rivières

Les cours d’eaux et les lacs fournissent des indications précieuses, qui sont récoltées depuis cinquante ans dans le cadre du programme NADUF. Les flux de substances naturelles, de métaux lourds et de nutriments sont surveillés de près.

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine L’Environnement. Abonnez vous gratuitement ici.

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En Suisse, on peut se baigner dans la plupart des rivières sans risque de contamination bactérienne. Mais la situation était bien différente entre les années 1960 et 1980. La baignade était interdite dans de nombreux lieux. Les tapis d’algues et d’écume recouvraient certaines eaux et la vision de poissons morts flottant à la surface n’était pas rare. Une analyse plus intensive des paramètres chimiques dans les cours d’eau a alors semblé indispensable. Depuis, la qualité de l’eau a pu être améliorée grâce au travail des différents programmes nationaux de monitorage des eaux de surface, dont le projet NADUF constitue la première pièce (lire encadré p.14).

Ce programme de surveillance continue des cours d’eau a été lancé en 1972 avec cinq stations d’observation. Depuis, 24 stations ont été exploitées, dont 15 sont actuellement actives. À partir de 2011, le projet NADUF a été rejoint par des programmes s’appuyant sur des réseaux bien plus étendus, en collaboration avec les cantons, dans le cadre de l’Observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA). Des données sont désormais collectées de manière ciblée dans environ 130 stations réparties sur tout le territoire suisse. L’objectif commun est de déterminer les concentrations de micropolluants et de nutriments.

La prise d’échantillons s’effectue sur sept ou quatorze jours (lire encadré). En plus de ces prélèvements, des mesures sont effectuées en continu : elles concernent le niveau de l’eau, le débit, la température, le pH, la conductivité, l’oxygène et la turbidité (autrement dit la teneur d’une eau en particules suspendues qui la troublent). Les données et les résultats d’analyses de NADUF sont utilisés par des organisations cantonales, des projets scientifiques et pour le calcul d’indicateurs environnementaux tels que la « Qualité de l’eau des rivières » effectué par l’Office fédéral de la statistique (OFS).

La santé de l’eau hier et aujourd’hui

Les données récoltées en un demi-siècle ont permis de suivre l’évolution de nombreux paramètres, notamment les nutriments et les métaux lourds. Elles ont aussi permis d’évaluer les effets des mesures de protection des eaux de surface, et d’en prévoir d’autres quand c’était nécessaire. Depuis 1972, le projet NADUF a par exemple mis l’accent sur la chasse aux nitrates et aux phosphates. Cette pollution a été fortement réduite dans les trente années qui ont suivi, grâce à la baisse de l’usage d’engrais, l’interdiction des détergents contenant des phosphates et aux importants investissements effectués dans l’assainissement et l’épuration des eaux usées. D’autres succès ont été observés dans le Rhin, à Bâle, où la charge d’azote quittant la Suisse a diminué d’environ 30 % dans les années 1990 ; on y a aussi noté une diminution des charges de plomb, de cuivre et de mercure. Du côté de la Suisse romande, le Rhône déversait jusqu’à quelques kilos de mercure par jour dans le Léman en 1976. Ces flux étaient pour la plupart inférieurs à 100 g par jour en 2000, car les rejets industriels avaient été réduits.

Mais pas question de se reposer sur ces succès, car les défis restent importants. Le flux d’azote, par exemple, a peu évolué depuis les années 2000. L’objectif de réduction pour la protection de la mer du Nord n’est pas encore atteint. Par ailleurs, la charge en chlorures du Rhône a presque doublé entre 1975 et aujourd’hui. « La qualité de l’eau de surface en Suisse est satisfaisante, mais elle ne répond pas toujours partout et en permanence aux exigences minimales légales », souligne Florian Storck, chef de la section Bases hydrologiques – état des eaux de OFEV où il est responsable pour NADUF.

L’azote et le phosphore asphyxient les eaux

Selon le rapport « Eaux suisses – État et mesures » qui vient d’être publié par l’OFEV, les pesticides issus de l’agriculture et les médicaments présents dans les eaux usées polluent de nombreux cours d’eau du Plateau notamment. « Certains lacs et cours d’eau contiennent encore trop de phosphore et d’azote. Par conséquent, plusieurs lacs souffrent d’un manque d’oxygène, ce qui peut conduire à la disparition de certaines espèces de plantes et de poissons, observe Florian Storck. En outre, les cours d’eau suisses exportent de trop grandes quantités d’azote vers les mers. » Dans le contexte du changement climatique, les mesures du projet NADUF concernent également les variations de la température de l’eau, ce qui est très important pour les organismes aquatiques. Durant la canicule de 2022, les images de poissons morts par centaines ont fait la une des médias, rappelant que « si certains pouvaient survivre à 28 degrés, d’autres, comme la truite, ont été plus sensibles », déplore Florian Storck.

« La hausse de la température de l’eau frappe également, mais dans une moindre mesure, les rivières préalpines », dit Manfred Stähli, responsable chez WSL des mesures dans les bassins versants de l’Alpthal pour NADUF et coresponsable de l’évaluation des données. « Nos ruisseaux sauvages ont une eau très propre. Par contre, ces vingt dernières années, la température est montée de 0,4 degré dans ces cours d’eau situés à 1000- 1500 m d’altitude. En été 2022, ils étaient presque à sec. » Une situation qui n’est pas inédite, ajoute le scientifique en citant les canicules de 2003 et 2018. Mais cela arrivera vraisemblablement de plus en plus souvent à l’avenir. »

La Suisse collabore avec les pays voisins

Les fleuves ne s’arrêtant pas aux frontières, la collaboration européenne est primordiale. L’OFEV échange des données avec l’Agence européenne pour l’environnement et les commissions internationales de protection des eaux pour le Rhin, le lac de Constance, le Léman ou encore le lac Majeur. « En plus de relever les concentrations de substances comme le font les autres pays, NADUF mesure aussi les flux détectés chaque année en un point donné, rappelle Florian Storck. C’est notre force, car ces flux sont rarement mesurés à l’étranger, ou alors seulement estimés.

L’avenir ? L’OFEV et les institutions partenaires y travaillent déjà en cherchant à développer la mise en valeur des données recueillies : « La détermination des flux a déjà fourni, pour les nutriments et les métaux, de précieuses indications sur les mesures à prendre et sur l’évaluation de leur succès, explique Florian Storck. Nous pouvons ainsi envisager d’étudier en continu, en plus d’autres métaux lourds et de terres rares, les flux de micropolluants de plus en plus utilisés. Des échanges intensifs avec les partenaires scientifiques, les cantons et les responsables des autres programmes nationaux de monitorage seront nécessaires pour ces développements. Les flux des métaux lourds et nutriments restent néanmoins des sujets importants pour mieux comprendre les apports des rivières dans les grands lacs et les processus qui s’y déroulent, car le changement climatique entraîne une hausse des températures et une modification du régime de circulation des lacs. À cela s’ajoute une libération accrue de matières solides due à la fonte des glaciers, ce qui peut également avoir un impact sur les lacs. »

Florian Storck, Chef de section Bases hydrologiques – état des eaux, OFEV, florian.storck@bafu.admin.ch

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FRUIT D’UNE COLLABORATION

Sous le sigle de NADUF (Nationale Daueruntersuchung Fliessgewässer) se cachent trois acronymes qui collaborent étroitement : l’OFEV, l’Eawag (Institut de recherche sur l’eau du domaine des EPF) et depuis 2003, WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). Coordinateur du programme, l’OFEV définit la stratégie de monitorage en collaboration avec ses partenaires, réalise les prélèvements sur les grands et moyens cours d’eau, analyse les données et s’occupe de la diffusion des résultats. L’Eawag prend en charge les analyses en laboratoire, l’évaluation et la publication d’une partie des données. WSL surveille quant à lui les petits cours d’eau au moyen de stations dans l’Alpthal. L’interprétation des résultats et la discussion scientifique sont menées conjointement par les trois partenaires.

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PARAMÈTRES ANALYSÉS

Dans les échantillons prélevés, les paramètres suivants sont analysés : nitrates, orthophospates, phosphore total et azote total, carbone organique total et dissous, dureté totale, alcalinité, matières en suspension, chlorure, sulfate, acide silicique, calcium, sodium, magnésium, potassium, zinc, cuivre, chrome, cadmium, nickel, mercure et plomb. D’autres paramètres peuvent également être mesurés au gré des diverses campagnes ponctuelles.