LATITUDES

Le côté obscur de la lumière

L’invention de la lumière artificielle a amélioré notre bien-être et a apporté de nouvelles libertés. Mais un excès de lumière nuit à notre écosystème. Les installations d’éclairage doivent faire l’objet d’une gestion responsable.

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«Que la lumière soit», peut-on lire dans la Bible. Dans de nombreuses religions, la lumière est l’allégorie du bien. Elle est aussi essentielle à la vie. Elle dégage la chaleur et l’énergie nécessaires à la croissance des êtres vivants et participe à la photosynthèse des plantes. Selon une idée partagée par plusieurs cultures, la vérité se révèle dans la lumière, tandis que l’obscurité est synonyme de mal, voire de ténèbres. Les croyantes et croyants utilisent la lumière lors de leurs célébrations : on allume des bougies et des lampes à Noël et lors des processions de lanternes dans la culture chrétienne, mais aussi durant la fête des lumières juive de Hanoucca et au début du Shabbat, ou encore lors de rituels hindous, de cérémonies bouddhistes et pendant le mois de jeûne du Ramadan, dans l’Islam.

De la bougie à l’ampoule

Avant que l’homme ne découvre le feu en tant que source de chaleur et de lumière, le soleil était son seul moyen d’éclairage. La lumière artificielle est une invention humaine encore récente. L’éclairage au gaz s’est répandu au début du XIXe siècle, avant de céder la place à la lampe à pétrole puis à la lumière électrique, à partir des années 1880. Ce n’était alors plus Dieu qui apportait la lumière dans l’obscurité mais l’homme lui-même. Le mouvement spirituel né peu avant cette époque a voulu que le savoir remplace les représentations mystiques – cette période de l’histoire est d’ailleurs appelée en français le «Siècle des Lumières».

Aujourd’hui, lire un livre le soir, manger au restaurant, faire ses courses ou encore pratiquer un sport va de soi. Difficile de s’imaginer à quoi pourrait ressembler notre vie sans l’éclairage artificiel, à la seule lueur des bougies et lanternes. Pourtant, les hommes ont vécu ainsi durant des millénaires. Ils utilisaient les étoiles et la lune pour s’orienter la nuit. À l’intérieur, la lumière était disponible en fonction des possibilités matérielles : tandis que Louis XIV brûlait ses 24 000 bougies de cire à Versailles en 1688, de nombreux foyers pauvres n’ont possédé qu’une seule lampe à pétrole jusque tard dans le XXe siècle. Dans le livre «Als das Licht kam» de Viktoria Arnold, publié en 1986, une jeune fille raconte sa vie avant l’électrification de son village, en 1923 : «Quand maman s’affairait dans la cuisine, elle emportait bien sûr la lampe avec elle, et nous, les enfants (…), nous nous retrouvions dans l’obscurité, dans notre seule pièce, mais ce n’était pas un problème car nous ne connaissions rien d’autre.»

Il y aurait probablement à redire de l’évolution vers la société du «24 h sur 24», qui nous permet aujourd’hui de tout avoir à tout moment. Mais comme l’a souligné Peter Boyce du Lighting Research Center de New York dans un article publié en 2019, cette évolution s’est accompagnée d’un progrès économique et a permis de réduire la pauvreté. «L’utilisation de la lumière dans la nuit est associée à des désirs humains fondamentaux», écrit l’expert. La lumière artificielle a joué un rôle moteur dans l’industrialisation. Grâce à elle, les hommes ont pu – et dû – travailler indépendamment de la lumière du jour. Et pendant leur temps libre, ils ont transformé la nuit en jour à mesure que leur prospérité augmentait.

Un excès de lumière

L’utilisation de la lumière la nuit n’a cessé de croître et peu de personnes sont prêtes à y renoncer. Outre le fait qu’il est désormais possible de travailler et de pratiquer des loisirs une fois le soleil couché, la lumière offre une plus grande sécurité, notamment dans le cadre de la circulation routière. Elle a aussi un impact positif sur la prévention de la criminalité. Et des études montrent que l’éclairage de rues ou de quartiers sombres renforce le sentiment de sécurité.

La lumière artificielle présente donc de nombreux avantages. Pour autant, un excès de lumière peut être néfaste. En effet, les émissions lumineuses portent atteinte à la diversité des espèces animales, mais aussi à la santé humaine. Elles sont à l’origine d’une baisse des populations d’insectes – qui sont perturbés, attirés et même brûlés par la lumière artificielle –, elles mettent en danger les habitats des chauves-souris, des grenouilles et des amphibiens, et elles entraînent une perte d’orientation des oiseaux migrateurs et des poissons. Elles peuvent également nuire à la croissance des plantes : les arbres directement éclairés par les lampadaires perdent leur feuillage plus tard dans l’automne, ce qui peut entraîner des dégâts en cas de gel. Enfin, la lumière artificielle a un impact sur l’homme : trop de lumière ou une lumière artificielle trop vive peut perturber le sommeil.

D’après Peter Boyce, pour réduire les effets néfastes des émissions lumineuses, rien ne sert toutefois de diaboliser l’utilisation de la lumière la nuit. Le spécialiste estime que l’homme s’est trop habitué à la disponibilité illimitée de la lumière artificielle et aux avantages associés. Il convient d’utiliser celle-ci de manière intelligente et à des coûts écologiques les plus réduits possibles. Les nouvelles technologies telles que les capteurs de mouvement permettent de limiter l’utilisation croissante de la lumière artificielle. Recourir à des ampoules plus efficaces sur le plan énergétique peut également faire partie de la solution, à condition de ne pas les allumer plus souvent sous prétexte qu’elles consomment moins. Dans tous les cas, il est important de davantage sensibiliser la population au fait qu’un excès de lumière est néfaste pour elle et pour son écosystème.

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Protection contre les nuisances lumineuses : instruments juridiques

Dès 1979, dans sa déclaration relative au projet de loi sur la protection de l’environnement (LPE), le Conseil fédéral attirait l’attention sur la nécessité de protéger les êtres humains, les animaux et les plantes contre les effets nocifs et incommodants de la lumière artificielle. La LPE stipule aujourd’hui que ces effets doivent être réduits à titre préventif le plus tôt possible (art. 1, al. 2 LPE). D’autres lois, comme la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN), prescrivent des mesures de conservation des habitats et des espèces, qui comprennent également la protection contre les perturbations lumineuses. Contrairement à la pollution sonore ou atmosphérique, la protection contre les émissions lumineuses n’a jamais été concrétisée par une ordonnance ou des valeurs limites.

Pour que l’être humain et la nature soient tout de même protégés, les autorités ou les tribunaux s’appuient directement sur la LPE, la LPN ou d’autres textes législatifs lors de l’octroi d’autorisations ou de recours. Pour aider les autorités compétentes de la Confédération, des cantons et des communes dans cette démarche, l’OFEV a publié les «Recommandations pour éviter les émissions lumineuses».

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Le gaspillage de lumière nuit au climat

Une utilisation responsable de la lumière artificielle induit non seulement des avantages directs pour les animaux, les plantes et les êtres humains en raison d’une réduction des émissions lumineuses, mais elle permet aussi d’économiser de l’énergie, et par là de faire baisser les coûts et les émissions de CO2. En 2017, la part d’électricité utilisée en Suisse pour l’éclairage s’établissait à 12 %. Le secteur de l’éclairage s’est fixé comme objectif ambitieux de diviser par deux les 7 térawattheures consommés actuellement d’ici à 2025 en recourant à des technologies innovantes, à une planification intelligente et à des systèmes de commande modernes.

Les 3,5 térawattheures ainsi économisés devraient permettre d’éviter 140 000 tonnes d’émissions de CO2 sur le sol suisse. Qui plus est, réduire la consommation de moitié signifie aussi réduire les coûts de moitié. La branche met en oeuvre l’accord en question dans le cadre de l’initiative «energylight», en collaboration avec l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Elle souhaite ainsi contribuer à la réalisation de la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral, qui prévoit notamment de diminuer de 43 % la consommation électrique par habitant en Suisse d’ici à 2035. Par ailleurs, notre consommation d’électricité globale a augmenté de 4,3 % en 2021. Les espaces publics présentent, eux aussi, un potentiel considérable et l’utilisation de luminaires LED en combinaison avec des systèmes de commande intelligents permettrait de réduire massivement la consommation électrique.

Les ménages sont responsables de plus des deux tiers de la consommation électrique globale, dont 10 % sont imputables à l’éclairage. Pour économiser de l’énergie, rien de plus simple : il suffit d’éclairer uniquement lorsque cela est nécessaire, pas plus longtemps que nécessaire, et pas plus fort que nécessaire. En d’autres termes : éteindre les sources lumineuses qui ne sont pas utiles et passer à des technologies plus efficaces sur le plan énergétique. Mais cela ne doit pas conduire à éclairer davantage de nouveaux espaces (extérieurs) tels que les jardins et les façades.