LATITUDES

La cyprotérone, une molécule qui aide les hommes à devenir femmes

La cyprotérone bloque les effets de la testostérone dans le corps. Elle est notamment prescrite aux hommes qui désirent changer de genre.

Lors d’une transition, la cyprotérone est administrée conjointement avec des oestrogènes, des hormones féminines responsables par exemple de la croissance des seins. «La cyprotérone diminue les caractères masculins chez l’homme, mais également chez la femme, en bloquant les actions de la testostérone», explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Mais avant d’être utilisée dans les conversions de genre, la cyprotérone a été préconisée pour d’autres usages.

Dans les années 1960, des chimistes allemands tentaient de trouver un remède aux risques de fausses couches, alors attribuées à un manque de progestérone chez la femme enceinte. Malheureusement, cette hormone induit un effet masculinisant indésirable sur les embryons féminins. Les recherches aboutissent alors à la cyprotérone, une molécule de la famille des stéroïdes, dotée d’une action progestative, mais sans effet virilisant. «Le premier antiandrogène venait d’être créé», révèle le pharmacologue.

La cyprotérone a d’abord été prescrite aux patients atteints d’un cancer de la prostate avancé. «Ce type de cancer hormono-dépendant voit sa croissance stimulée par la testostérone. La cyprotérone freine efficacement son développement.» Elle est également donnée aux femmes désirant traiter une forte pilosité ou une acné. «Son effet antiandrogène peut réguler les hormones masculines chez la femme, signale Thierry Buclin. L’action progestative de la cyprotérone permet de l’intégrer à des pilules contraceptives, qui ont cette indication dermatologique en prime.» La cyprotérone a aussi été employée à visée de « castration chimique » chez des hommes pour traiter des déviances sexuelles telles que la pédophilie ou l’exhibitionnisme. Ce traitement engendre une impuissance et une perte de libido chez l’homme. «Notons qu’une baisse du désir peut aussi concerner les femmes», ajoute le pharmacologue.

Un autre effet secondaire est découvert en 2010. «Des scientifiques ont constaté qu’une prise en continu sur le long terme augmente d’environ 20 fois le risque de développer une tumeur spécifique du cerveau, appelée méningiome», prévient Thierry Buclin. Ces tumeurs, la plupart du temps bénignes, nécessitent toutefois d’être retirées chirurgicalement. L’explication du lien entre ce stéroïde et les tumeurs au cerveau reste, à ce jour, inconnue.

Retrouver ici notre dossier sur la transidentité.

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Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans In Vivo magazine (no 25).

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