Le photographe genevois Christian Lutz a parcouru l’Europe pour saisir l’atmosphère liée à la montée du populisme.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine photographique Météore.
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Le visage tourné, le regard fixe ou embué, ils semblent regarder ce qui ne se voit pas : la peur, la haine, l’espoir étiolé. Le populisme. De la Pologne a la Suisse, en passant par la Hongrie, la France ou l’Italie, le photographe genevois Christian Lutz a arpenté l’Europe pendant plus de six ans pour saisir cette évolution politique. Il s’est rendu dans les municipalités gagnées par l’extrême droite. Il y a observé ce qu’une pensée politique pouvait avoir de concret.
Avec Citizens, le photographe jette une lumière crue sur la pauvreté et le désespoir qui gagnent le continent. Zones industrielles désaffectées, campements de fortune, portraits d’êtres burinés et fatigués. L’Europe des photos de Christian Lutz est en lutte pour sa survie alors qu’en parallèle, d’autres se parent d’un prestige nationaliste poussiéreux.
«Tout est parti de la colère de voir dans ma ville, à Genève, une montée des partis politiques d’extrême droite. Je ne pouvais que constater, impuissant, que ces thèses basées sur le rejet de l’autre commençaient à s’ancrer et à trouver leur public.» FPÖ en Autriche, Vox en Espagne, le Rassemblement national en France, ou UDC en Suisse, ces partis politiques scandent des discours anti-migration et anti-élite, utilisant la peur comme appât. Le populisme, cette « fée maléfique aux belles paroles mais aux filets toxiques », comme le dit Christian Lutz, renvoie aux conflits sociaux qui transpercent le Vieux-Continent.
Votre travail photographique vous laisse-t-il entrevoir le futur?
Christian Lutz: «Non. Il me permet juste de tenter de répondre au présent.»
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Christian Lutz, Suisse
Né en 1973 à Genève, Christian Lutz a notamment travaillé sur le pouvoir politique avec Protokoll (2007), les difficultés économiques avec Tropical Gift (2010) et dernièrement sur la nouvelle capitale du jeu Macao dans The Pearl River (2019). Il a été désigné « photographe de l’année » en 2020 par la Swiss Photo Academy et il publie en 2021 son dernier ouvrage Citizens aux éditions Patrick Frey.