LATITUDES

«S’enjailler» et les autres mots de juin

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «s’enjailler», «incitations» et «flasques».

S’enjailler

Cette année, 170 nouveaux mots ont débarqué dans l’édition 2022 du Petit Larousse qui paraît ce mois. On y découvre bien des anglicismes -«cluster», «mocktail», «batch cooking» ou «click and collect»-, mais surtout des termes issus du vocabulaire de la pandémie. Ils sont là, alors qu’on espérait pouvoir les oublier. Reste à souhaiter qu’ils figurent sur la prochaine liste des mots expurgés des dictionnaires parce qu’inusités.

Longue vie en revanche à «s’enjailler», une très agréable nouveauté lexicale que ce mois de juin devrait permettre de décliner à de multiples occasions. Ce verbe d’origine nouchi, le langage argotique ivoirien, signifie s’amuser, faire la fête. Son étymologie viendrait soit de l’anglais «enjoy», venant du français «jouir», soit d’une déformation de «jaillir».

Après le confinement, place à l’enjaillement!

Incitations

Les mesures incitatives se multiplient là où on peine à convaincre les indécis et les récalcitrants à se faire vacciner contre le Covid-19. Comment orienter le comportement de ces individus et les aider à franchir le pas? Carottes et bâtons sont des outils au service de l’efficacité des politiques publiques. Pas question de contraindre, c’est la politique de la carotte qui est partout mise en œuvre. Donuts, bières, bons dans les supermarchés, avantages financiers, billets de baseball, cannabis, rien ne choque, tout est bon pour inciter à l’injection. «C’est le prix de la sortie de crise», clament les uns, «prime à l’incivisme», «prostitution vaccinale», rétorquent d’autres.

Mais attention à l’effet contreproductif de ces démarches incitatives, met en garde Gérald Bronner. Le sociologue appelle à la prudence lorsqu’on use d’incitations en matière de santé publique. «En gratifiant ceux qui accepteront de se faire vacciner, on peut aussi donner l’impression qu’il s’agit d’une forme de compensation pour le risque pris, ou encore dégrader la fierté que l’on peut avoir de se faire vacciner pour le bien commun» estimait-il dans Le Monde en mai 2021.

Flasques

«Si t’as pas une flasque quand tu cours ou fais du trail, t’es largué!» Fini la gourde dans une poche de son sac à dos. La gourde a quitté les sentiers pédestres pour devenir urbaine. Exhibée dans d’élégants petits sacs, elle s’est muée en accessoire mode.

Une occasion à saisir pour la remplacer et innover en matière d’hydratation des sportifs d’endurance. L’heure est venue de renouveler leur équipement en optant pour les nouveaux sacs et gilets d’hydratation. Ceux-ci n’ont plus de filets latéraux destinés aux gourdes mais des dispositifs à même d’accueillir des flasques souples.

Une flasque est un récipient plat, longtemps destiné à contenir de l’eau-de-vie. Devenue souple et légère, car conçue en matière synthétique, elle maintient désormais en vie des sportifs qui la remplissent de boisson énergétique. Une ombre au tableau: son odeur de plastique qui suscite de nombreux échanges sur les réseaux sociaux. Vinaigre et bicarbonate l’élimineraient. A moins qu’elle ne soit le fruit de la nostalgie des gourdes inodores en acier inoxydable!