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Quand l’UDC et le PLR réinventent le parti gouvernemental d’opposition

Ou comment le virus Covid installe la schizophrénie au cœur du pouvoir.

Le ministre de l’économie Parmelin a beau virer de plus en plus poète, évoquant cette fois «la fin du proverbial tunnel», qui «reste encore très long malgré la lueur que nous voyons au bout», rien n’y fait. Les mécontents sont de plus en plus mécontents et grognent de plus en plus fort. Il paraît que les actes de désobéissance se multiplient, venant accompagner le forcing des lobbies divers et des milieux économiques qui ne rêvent que d’une chose, sous les encouragements de plus en plus bruyants de l’UDC et du PLR: tout rouvrir, et que ça saute. C’est ainsi que le chapeau de croque-mort d’Alain Berset en vient à être promené au bout d’une pique. Ambiance, ambiance.

C’est peu dire en effet que les très peu souples mesures d’assouplissement annoncées par le Conseil fédéral – oui pour les commerces non essentiels, les musées, les zoos, les installations de sport, mais non pour les restaurants – n’ont pas suscité l’allégresse universelle.

C’est d’abord évidemment le secteur de l’hôtellerie-restauration qui digère mal le vilain poisson qu’on vient de lui proposer: pas de réouverture avant le 1er avril. «Une catastrophe», s’étrangle l’organisation faîtière GastroSuisse, ajoutant, assez drôlement, que le Conseil fédéral ne se montre généreux «qu’en matière de conjonctions» avec «des ‘si’ et des ‘mais’ en veux-tu en voilà».

Et de se gausser du fait que le même Conseil semble capable d’inventer, chaque semaine, «de nouvelles raisons pour garder les restaurants fermés». «Une fois c’est le nombre de cas, une autre fois c’est la valeur R, puis le taux de positivité, soudain c’est le nombre des vaccinations, puis le variant britannique, et ensuite le virus sud-africain. Et demain cela sera quoi?»

La population aussi montre sa mauvaise humeur et joue les frondeuses, narguant l’interdiction de se réunir à plus de cinq en privé et de 15 en public. Des festivités de carnaval ont ainsi rassemblé 1000 personnes à Einsideln dans le canton de Schwytz, au nez et à la barbe du bailli Berset, comme au valeureux temps des Waldstätten.

Les cantons enfin, se montent également dubitatifs. Telle la conseillère d’Etat radicale genevoise Nathalie Fontanet qui juge «l’attente trop longue pour les restaurants, fitness et lieux culturels, qui ne savent pas dans quelles conditions ils pourront rouvrir». «Je crains de voir monter une grogne légitime, voire une révolte dans ces secteurs.»

Au-delà pourtant des grognes et des rognes, nous nous trouvons devant un sacré paradoxe, mis en lumière encore une fois par le poète Parmelin, certifiant la main sur le cœur que non, non, Alain Berset, contrairement aux apparences, n’était pas un dictateur. Son collègue UDC le comptable Maurer a fait chorus, rappelant que les décisions du Conseil fédéral étaient prises collégialement.

Voilà qui devait être rappelé, si l’on sait que ce gouvernement se voit critiqué principalement, on l’a dit, par deux partis, l’UDC et le PLR, qui semblent sur ce coup en parfaite cohérence avec leur catalogue idéologique de base, reposant sur ces deux épouvantails inusables que sont la liberté individuelle et la liberté d’entreprendre, toutes deux mises à mal comme jamais par les mesures sanitaires.

Sauf que dans ce Conseil fédéral liberticide, deux partis disposent à eux seuls, si l’on compte bien, de la majorité, avec chacun deux membres: l’UDC et le PLR. La crise du covid aura donc opéré cette petite distorsion: une Suisse gouvernée par deux formations politiques, avec comme opposition la plus virulente, les deux mêmes.