LATITUDES

«Plexiglas» et «Bravolohn», les mots d’octobre

Le langage révèle l’époque. Notre chroniqueuse s’interroge ce mois-ci sur l’usage des termes «plexiglas» et «Bravolohn».

Plexiglas

Il a fait ses preuves autour des patinoires en protégeant les spectateurs des «pucks» égarés. Omniprésent depuis peu dans notre vie quotidienne, le plexiglas s’est mué en bouclier contre les postillons. Un usage inopiné, comme sa naissance d’ailleurs.

C’est en effet l’oubli par un chimiste allemand d’une préparation sur le bord d’une fenêtre de laboratoire, qui provoqua une réaction à l’origine de la découverte du polyméthacrylate de méthyle (PMMA). Perplexe, Otto Röhm aurait alors parlé de «Plexiglas» et enregistré comme une marque et sous cette appellation ce nouveau matériau en 1933. Un nom de marque devenu depuis nom commun.

Cette avantageuse alternative au verre -parce que flexible, transparente, légère et meilleur marché- allait rapidement se répandre dans de nombreux secteurs et notamment révolutionner l’industrie aéronautique. Rappelons que ce sont des Boeing B-29, aux cockpits en plexiglas permettant une vue panoramique, qui ont largué les bombes atomiques sur le Japon.

Aujourd’hui, la pandémie réserve un usage plus louable à ce matériau qui permet de relever le défi de la distanciation sociale sous forme de parois antivirus.

Perplexes comme l’avait été Otto Röhm, nous voici entrés dans l’ère du plexiglas. Non sous la contrainte de Plekszy-Gladz, le dictateur de Bordurie, bien connu d’Hergé et des tintinologues, mais en suivant les recommandations de santé publique d’une démocratie qui protège ses parlementaires en les mettant en cage.

Bravolohn

«Le pays a besoin de nouveaux mots» estime Patrick Karpiczenko, auteur et comique suisse allemand surnommé Karpi. Depuis la rentrée, il pallie à ce déficit en produisant chaque semaine des néologismes pour le magazine de la NZZ am Sonntag.

Sa rubrique intitulée «Karpipedia» nous embarque dans un univers aux antipodes de la novlangue castratrice inventée par George Orwell. Exemple d’une de ses nombreuses pépites linguistiques: «der Bravolohn».

Cette trouvaille renvoie aux applaudissements printaniers adressés durant le pic de la pandémie aux travailleurs au front. Or, l’automne venu, ils ne se muent pas en primes ou revalorisations salariales escomptées. D’où la définition qu’en donne son auteur: «Der Bravolohn définit les heures supplémentaires qui, contrairement au salaire net ou brut, seront payées en applaudissements. Avantage du Bravolohn: il est exonéré d’impôt».