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Quand l’accouchement terrorise

Le nombre de femmes qui ont peur de l’accouchement est en croissance. En cause, les réseaux sociaux et leurs récits catastrophe, entre autres. Le personnel médical s’est saisi du sujet et propose plusieurs traitements.

Dépression, pensées obsessionnelles, crises d’angoisse, cauchemars : l’appréhension de l’accouchement se transforme chez certaines femmes en une peur irrationnelle et en une véritable souffrance. Ces peurs sont appelées tocophobie, du grec tokos, qui signifie «naissance». Cette pathologie toucherait entre 14% et 22% des futures mamans, selon une étude publiée par la Fédération nordique des sociétés d’obstétrique et de gynécologie.

D’après son constat, les cas de tocophobie sont en nette augmentation depuis les années 2000. Cette hausse s’explique notamment par l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux, avec l’effet anxiogène qu’ils peuvent avoir sur certaines femmes. Toujours selon l’étude, cette augmentation est également due à une meilleure attention accordée à la santé de la future mère au cours de la période périnatale depuis quelques années, permettant ainsi de détecter plus facilement les cas de tocophobie.

Si cette pathologie est difficilement chiffrable en raison du peu d’études réalisées et du manque de consensus autour des critères sur lesquels s’appuyer pour la classifier, le monde médical s’accorde pour distinguer deux types de tocophobie, dont les symptômes sont similaires. La primaire, qui touche les femmes dont c’est la première grossesse, et la secondaire, dont souffrent les femmes ayant déjà eu des enfants.

Récits catastrophe et réseaux sociaux

«Plus le terme de mon accouchement approchait, plus mes crises d’angoisse et mes cauchemars s’intensifiaient», se rappelle Flora*. Cette Lausannoise de 33 ans a été diagnostiquée de tocophobie primaire au sixième mois de grossesse.

Sa plus grande peur ? Celle de mourir à la suite d’une hémorragie. L’angoisse des complications et la peur de mourir de Flora ont principalement été nourries par des récits rapportés par des proches : «Je n’y avais jamais pensé auparavant, mais il a suffi que j’entende parler de quelques cas d’accouchements très difficiles pour que ma peur se déclenche», admet la jeune femme.

«L’accouchement a été pendant longtemps associé à un risque mortel élevé pour la mère et l’enfant, note la Dre Lamyae Benzakour, médecin adjointe au Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crises des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Malgré la diminution drastique de ce risque grâce aux progrès de la médecine dans des pays industrialisés comme le nôtre, l’accouchement reste perçu comme une mise en danger potentielle dans l’inconscient collectif.»

Selon l’Office fédéral de la statistique, le nombre de décès maternels enregistrés en Suisse entre 2007 et 2016 est de 41, soit cinq décès pour 100 000 naissances. Cependant, la mortalité maternelle reste élevée dans le monde, particulièrement dans les régions à revenus faibles, dans lesquelles on dénombre 239 décès pour 100 000 naissances, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré ces chiffres, Flora se rend sur des forums et les réseaux sociaux – « une énorme erreur », comme elle l’avoue, car cela n’a fait que nourrir son anxiété.

Internet serait-il donc le grand coupable de l’augmentation des cas de tocophobie ? «Il est vrai que les femmes ont désormais accès à une masse d’informations potentiellement anxiogènes bien plus importante qu’auparavant, observe la Pre Antje Horsch, psychologue et consultante en recherche au Département femme-mère-enfant du CHUV. Cela peut créer des angoisses chez des personnalités fragiles. Néanmoins, il faut en relativiser l’impact, car ces mêmes réseaux sociaux permettent aussi de raconter son histoire et de se rassurer.» Un constat que partage Lamyae Benkazour, pour qui l’augmentation de la tocophobie serait également liée au fait que l’on est aujourd’hui plus attentif à la santé de la femme durant la période périnatale et que ces craintes sont donc davantage repérées.

«Nous sommes à l’écoute de nos patientes. Si l’une d’entre elles demande une césarienne dès la première consultation, nous allons investiguer afin de savoir si nous sommes face à une tocophobie », confirme le Prof. David Baud, chef du Service d’obstétrique du Département femme-mère-enfant du CHUV.

Libérer la parole

Lorsque Aline est tombée enceinte de son deuxième enfant, la césarienne était pour elle la seule option envisageable. Souffrant d’une tocophobie secondaire, cette Vaudoise de 34 ans a vécu un premier accouchement par voie basse extrêmement traumatisant en 2013. « J’ai cru que j’allais y rester. À partir de là, donner la vie signifiait perdre la mienne », confie-t-elle.

Dépression, cauchemars, mutisme : les cinq premiers mois de cette deuxième grossesse ont été très douloureux à vivre pour elle et son conjoint. «Je me suis complètement coupée de mon bébé, je n’arrivais à parler ni de la grossesse en cours ni de mon premier accouchement. Je me sentais si mal que j’avais aussi des difficultés à m’occuper de ma fille», explique Aline. Pourquoi décider de retomber enceinte après un événement aussi difficile ? «Il était impensable que ma fille soit enfant unique. En revanche, nous avons attendu quatre ans au lieu des deux années initialement prévues avant de nous lancer», confie-t-elle. À la suite d’un accouchement traumatisant, certaines femmes décident en effet de retarder la naissance du prochain enfant, voire même de ne plus donner la vie, en multipliant les méthodes contraceptives pour éviter tout risque. Dans d’autres cas, des solutions plus extrêmes sont envisagées. «Il arrive qu’elles décident de ne plus avoir de rapports sexuels, voire même de se faire stériliser», note Antje Horsch.

Victime de symptômes de stress post-traumatique importants, Aline doit son salut à une équipe de professionnels pluridisciplinaire. Dès le cinquième mois, elle s’oriente en effet vers une pédopsychiatre, une sage-femme de l’association Profa (spécialisée dans les questions relatives à l’intimité) et une hypnothérapeute, grâce à laquelle elle a pu préparer et visualiser chaque étape de son accouchement (voir encadré).

Elle a également été prise en charge par un gynécologue du CHUV qui a su l’écouter et la rassurer. Une chance que ne partagent pas toutes les patientes : « Les contrôles chez mon gynécologue étaient expéditifs. Je me sentais démunie car il n’y avait aucune place pour la discussion », confie Flora. De nombreuses femmes en proie à la tocophobie choisissent de se murer dans le silence.

Par manque d’écoute de l’entourage et des professionnels du secteur médical, mais aussi par autocensure. «La société a fait de la grossesse et de l’accouchement des événements merveilleux. Celle qui ose dire qu’elle les vit très mal peut rapidement être stigmatisée», analyse Antje Horsch.

La solution ? Éradiquer le sentiment de honte en libérant la parole. «Plus on multiplie les espaces d’échange et de discussion, par le biais des médias et des associations par exemple, plus les femmes se sentiront légitimes de parler des troubles dont elles souffrent», ajoute Lamyae Benzakour.

De son côté, le CHUV propose à ses patientes une nouvelle consultation depuis ce printemps. «Il s’agit d’entretiens personnalisés d’environ une heure avec des sages-femmes, au cours desquels les futures mères peuvent parler de leurs craintes, s’informer et poser toutes leurs questions», explique David Baud, l’un des instigateurs du projet. Une étape obligatoire grâce à laquelle des cas de tocophobie potentiels peuvent être détectés.

Cette consultation accueille également les femmes dont l’accouchement a été vécu comme un événement traumatisant. Ces entretiens menés avec la sage-femme présente en salle de travail ce jour-là consistent en une reprise des étapes du protocole et d’une discussion avec la patiente. L’occasion de déceler des symptômes de stress post-traumatique éventuels et de proposer une prise en charge adaptée permettant de prévenir, entre autres, de possibles troubles de l’attachement.

*Prénom d’emprunt

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans In Vivo magazine (no 20).

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