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Mineurs de molécules vertes

Un composant du bois pourrait servir de substitut au pétrole dans l’industrie chimique. La start-up suisse Bloom Biorenewables développe un procédé d’extraction de cette matière première écologique.

L’industrie chimique carbure encore essentiellement au pétrole. La jeune entreprise lausannoise Bloom Biorenewables a l’ambition de bouleverser la branche avec ses solutions de valorisation de matières organiques comme le bois, la paille ou les coquilles de fruits.

Son projet repose sur une technique d’extraction inédite de la lignine, l’un des trois principaux composants du bois, avec la cellulose et l’hémicellulose. «Au sein du bois, la lignine a pour fonction de lier, imperméabiliser et rigidifier la matière telle une colle, explique Rémy Buser, CEO et cofondateur de Bloom. Cette molécule possède des propriétés très intéressantes, car proches du pétrole.»

La vision de l’entrepreneur? Que dans un avenir proche, les molécules de lignine puissent entrer dans la composition de parfums et d’arômes alimentaires, de biocarburants ou de matières plastiques. «La plupart des objets qui nous entourent aujourd’hui contiennent du pétrole et finissent dans un incinérateur. S’ils étaient réalisés à partir du bois, ils pourraient entrer dans un cycle renouvelable.»

Jusqu’ici la lignine demeurait peu valorisée par le monde industriel. Notamment en raison des techniques d’extraction actuelles qui la font se «refermer sur elle-même comme un bout de scotch». Le nouveau procédé développé par les chercheurs lausannois a fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue Science. Par l’ajout d’un groupe protecteur durant le processus de séparation des polymères du bois, ils parviennent à éviter que la lignine ne se restructure. «Nous pouvons doubler la valeur du bois grâce à l’efficacité de notre méthode, qui nous garantit désormais de valoriser l’ensemble de ses composants.»

Reste à fournir des applications industrielles concrètes à ces molécules. «Nous sommes dans la même position que des mineurs d’aluminium ou d’or, des matières premières au nombre incalculable d’utilisations.» L’équipe de Bloom a ainsi réalisé une vaste analyse de marché pour identifier ses clients potentiels: colles spécialisées, produits pour l’agriculture, ou encore saveurs et parfums. C’est sur ce dernier secteur que se concentre la start-up aujourd’hui. «Nous sommes convaincus que les molécules pétro-sourcées ne seront plus attractives dans un futur proche, ce qui entraînera un changement radical de l’industrie chimique.» Le jeune entrepreneur cite aussi le marché du packaging: «Certaines grandes entreprises avec qui nous discutons ont adopté des stratégies qui impliquent zéro pétrole dans leurs emballages d’ici à 2025.»

Volumes industriels

Le principal défi concerne désormais le changement d’échelle nécessaire à la production de molécules en quantité suffisante pour engranger les premiers revenus. «Nous pouvons produire entre 10 et 100 grammes par semaine à l’heure actuelle. Or un industriel va exiger dix fois plus de matière première pour réaliser des tests probants, ce qui implique des ressources considérables, et l’accès à des installations de plus grande ampleur.» La construction d’une bio-raffinerie mutualisée, qui pourrait être utilisée par plusieurs start-ups et équipes de chercheurs, est à l’étude en Suisse, mais le projet n’en est qu’à ses balbutiements. Raison pour laquelle Bloom explore le développement de collaborations en Belgique ou aux Pays-Bas, où de telles installations expérimentales existent déjà.

La start-up a obtenu des soutiens financiers de la fondation Gebert Rüf et de l’agence InnoSuisse. «Nous soutenons un nombre croissant d’initiatives dans les domaines de l’environnement et de l’énergie, en lien avec un programme fédéral de la Stratégie énergétique 2050, indique Eliane Kersten, coresponsable de la communication chez Innosuisse. Ce projet s’appuie en outre sur la solide base de recherche suisse en matière de transformation du bois.»

Les Lausannois ont également bénéficié de l’appui de plusieurs incubateurs, notamment Mass Challenge. «Leurs conseils se sont révélés cruciaux pour mettre au point notre modèle d’affaires et déterminer quels clients cibler en priorité, souligne Rémy Buser. Dans le monde académique, décrire une application potentielle à petite échelle suffit à être publié dans les meilleurs journaux scientifiques. Une fois passé à l’étape de start-up, il est essentiel de savoir adapter la technologie aux besoins du marché.»

Pour attirer l’attention de nouveaux investisseurs, Rémy Buser et ses partenaires misent aussi sur les concours. Bloom vient de représenter la Suisse lors de la finale du ClimateLaunchpad, une des plus importantes compétitions de start-ups dans le domaine du développement durable et des technologies vertes. Lors de la finale, qui s’est tenue début novembre à Édimbourg, Bloom s’est classée dans les dix premières places, face à plus de 135 start-ups du monde entier.

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Une version de cet article réalisé par LargeNetwork est parue dans Entreprise Romande.