GLOCAL

Entre le Capital de Marx et le Journal de Mickey

La jeunesse socialiste a fait un beau rêve: que la justice fiscale pouvait remplir les caisses. Pour cela, elle imagine qu’il serait opportun de taxer davantage les super-riches.

Non, la gauche, contrairement aux apparences,  n’aime pas toutes les minorités. Il y en a même une qu’elle déteste à longueur d’année.  Le 1% de super-riches.  Des fainéants, bien sûr, qui s’engraissent en se tournant des pouces en or sur le dos des 99% restant. Tous vaillants et méritants bosseurs ceux-ci.

Dans le collimateur donc de la Jeunesse socialiste (JUSO): les revenus du capital – intérêts, dividendes et autre douces gâteries. L’argent qui fait des petits tout seul a toujours exaspéré, allez savoir pourquoi, les sensibilités de gauche, surtout quand elles sont jeunes. Un âge pourtant, la jeunesse, où l’on devrait croire plus facilement  aux miracles et à la multiplication des pains.

Mais non. L’initiative populaire dite «99%», que lance la JUSO, entend remettre au goût du jour un vieux rêve politique: faire cracher les nababs au bassinet. Car les très riches ne paient pas assez d’impôt. C’est en tout cas l’avis unanime  de ceux qui en paient beaucoup moins, voire pas du tout.

Trêve de persiflage. La truculente présidente de la JUSO, Tamara Funiciello, n’a  pas le cœur à rire. Elle n’a pas peur d‘en appeler, à la résurrection des vieilles lunes, au dépoussiérage des catéchismes antiques: «Je suis une marxiste convaincue», annonce-t-elle triomphalement.

Tout aussi triomphalement qu’elle dévoile, en creux, ses origines sociales: «Je ne viens pas d’une famille d’intellectuels». Une classe, les intellectuels, qui a toujours, c’est vrai, suscité la méfiance des régimes autoritaires, de droite comme de gauche. Goebbels sortait son révolver rien qu’à les entendre, Staline les envoyait creuser le canal de la mer Blanche pour leur apprendre à penser droit.

Revenons à nos grasses brebis, prêtes à la tonte. Tamara, rasoir déjà en main, le dit: «Il est inacceptable que des gens doivent travailler tous les jours afin d’obtenir un revenu, là où d’autres n’ont pas à lever le petit doigt pour se retrouver à baigner dans l’argent».

Une métaphore, ce bain d’argent, qui semble sortie tout droit du Journal de Mickey. Tremble, oncle Picsou. Tremble, propriétaire immobilier. Tremble, actionnaire gavé de dividendes. L’idée de la JUSO est de taxer une fois et demi le montant de tes gains en capitaux. Tu as gagné 5 millions? Tu seras taxé comme si tu en avais palpé 7,5… bien fait pour toi!

Une astuce qui devrait permettre d’engranger entre 5 et 10 milliards de recettes supplémentaires. Et cela tombe pile, Tamara sait déjà comment les dépenser: outre diminuer l’impôt des plus modestes, et de «renforcer la prospérité sociale», cette manne devrait permettre de «faire baisser le coût des crèches ou augmenter les réductions de primes». A défaut d’en réduire les augmentations.

Voilà qui est bel et bon. Et logique de la part de gens qui par principe refusent de croire à la théorie du ruissellement, voulant que plus les riches sont riches, plus ils dépensent et investissent et plus donc ils font profiter, certes à l’insu de leur plein gré, chacun de leur bonne fortune.

Il est pourtant au moins tout aussi difficile de croire  à l’efficacité de la chasse aux riches. Comme tout le monde, le plein de fric a horreur qu’on lui fasse les poches.  Et lui, contrairement à tout un chacun, il a les moyens de se défendre – par la fuite, le déménagement, la dissimulation, l’évasion, le tour de passe-passe, la grève de l’investissement etc. Surtout s’il est  un super riche.

On peut enfin se demander si c’est bien faire honneur au peuple que de lui suggérer de faire payer ses primes d’assurances et ses crèches par ces salauds de milliardaires.