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Une Suisse qui a Bondo

Catastrophes climatiques, agriculture polluante, islamisme galopant, économie refermée sur elle-même, système hospitalier pas top. Même au paradis, la réalité peut faire peur.

Rien ne va plus. Qu’apprend-on? D’abord que l’éboulement de Bondo pourrait se reproduire «dans de nombreux endroits en Suisse». Nous voilà bien. Ce ne sont partout que «pentes glissantes et parois rocheuses» surveillées 24h/24, et torrents sur écoute.

Et si la montagne ne vous tombe pas sur la tête, mieux vaut aller soigner son cancer dans un grand hôpital que dans un petit. Une étude, réalisée sur 18’000 cas, a montré que le taux de mortalité était de 2% dans les premiers et de 5,4% dans les seconds. Lesquels, en général, notons-le, sont aussi plus proches des pentes glissantes et des parois rocheuses.

Le citoyen suisse qui n’aurait peur ni des glissements de terrain, ni de son hôpital de campagne, dispose néanmoins d’autres et abondantes sources de terreurs. L’islam par exemple. Quelque 38% des habitants de ce pays disent désormais se sentir menacés par les musulmans, l’actualité se chargeant à journée faite de venir nourrir ce sentiment.

Comme cette affaire de l’imam engraissé aux prestations complémentaires pour mieux déverser sa bile de fanatique. Ou de ce binational suisse et tunisien arrêté pour avoir tenté de rejoindre les troupes de Daesh, puis relâché après 9 mois de préventive, alors que le Tribunal fédéral souligne sa dangerosité.

Ceux pourtant qui souhaitent restreindre drastiquement l’immigration pour éloigner cette menace-là risquent simplement de troquer un désastre contre un autre. Il semblerait en effet que la baisse des contingents de travailleurs venus d’Etats tiers – hors UE –, voulue par le Conseil fédéral dans le contexte de l’après 9 février, mette en difficulté l’économie.

Des cantons comme Genève, Bâle et Zurich protestent. Pierre Maudet fait la grimace: «Le Conseil fédéral a voulu montrer qu’il serre la vis. Mais il n’a fait qu’ajouter des complications et donner un mauvais signal à l’économie.» Son homologue zurichoise Carmen Walker Späh renchérit: «En 2017, les quotas de permis ont été épuisés à une vitesse record. Nous courons le risque de voir des projets déplacés à l’étranger ou que des entreprises renoncent à venir en Suisse.»

Au moins, se dira-t-on, nous vivons dans un environnement des plus propres, où une agriculture de plus en plus biologique dépose dans nos assiettes des produits de plus en plus sains. Aïe, tout faux.

C’est du moins ce qu’affirme l’Alliance pour une agriculture écologique, qui compte dans ses rangs WWF Suisse, Pro Natura, Greenpeace et BirdLife. Des oiseaux de mauvaise augure donc, qui rappellent, à propos de la votation du 24 septembre sur la sécurité alimentaire, qu’en réalité, aucun des objectifs environnementaux fixés il y a dix ans par la Confédération en matière d’agriculture n’a été atteint.

L’emploi de pesticides resterait ainsi largement excessif, empoisonnant au passage nos cours d’eau. Sans parler des bonnes terres qui disparaissent sous les constructions, de la biodiversité qui diminue, des fertilisants qui dérèglent l’écosystème, et, paradoxalement, des sols de moins en moins fertiles. Bref, la cata.

Les mauvaises langues diront qu’au moins le risque d’une élection d’Isabelle Moret au Conseil fédéral semble s’éloigner. Maigre consolation.

Que faire dans ce contexte sinistré? Se dire peut-être que, même au paradis suisse, certaines lois restent difficilement contournables. Celle par exemple voulant que vivre peut s’avérer dangereux, et au final toujours mortel.