GLOCAL

Porto Alegre contre Davos: la lutte des hémisphères

Le sommet antimondialisation qui s’ouvre aujourd’hui au Brésil a quelque chose de pathétique. Et ne parlons pas des slogans d’Attac…

On a beau dire que l’histoire ne se répète pas: il est des figures que l’on retrouve quand même à chaque carrefour. Ainsi en va-t-il de la lutte de David contre Goliath.

Trois mille ans plus tard, elle continue à séduire les générations parce qu’à un certain moment, David a symbolisé la faiblesse face à la force brute. Que par la suite sa vie n’ait pas toujours été exemplaire compte peu.

Nous nous retrouvons à peu près dans le même cas de figure avec le duel planétaire que vont se livrer ce week-end à travers les hémisphères Porto Alegre et Davos, les mondialisés et les mondialisateurs.

Face à la toute puissance des commensaux de Monsieur Klaus Schwab dans les montagnes grisonnes, le choix de Porto Alegre pour tenir le premier sommet antimondialisation est des plus symboliques. Porto Alegre (1,3 million d’habitants) est la capitale du Rio Grande do Sul, un Etat membre de la fédération brésilienne, grand comme sept fois la Suisse et peuplé de 9 millions d’habitants.

Le Rio Grande est un pays dont l’histoire révolutionnaire est d’une richesse incroyable, une richesse que l’on peut découvrir dans le fabuleux roman d’Erico Verissimo, «Le temps et le vent», traduit en 1996 chez Albin Michel. Les révolutions dans le coin ont commencé au XVIIIe siècle déjà avec l’arrivée des jésuites et de leurs drôles de républiques, elles se sont poursuivies au cours des XIXe et XXe siècle.

Jamais les héros n’ont manqué à l’appel, toujours ils sont montés, fusils pointés, sur les barricades. Jamais ils n’ont vraiment vaincu parce que toujours ils se sont heurtés à l’internationale des colonisateurs, des propriétaires, des capitalistes domiciliés à Lisbonne, Madrid, Londres ou New York.

L’histoire des paysans du Rio Grande ressemble étrangement à celle des ouvriers européens ou étasuniens. Leurs défaites successives aussi. Et qu’aujourd’hui, la gauche du parti des Travailleurs soit au pouvoir tant au gouvernement de l’Etat du Rio Grande qu’à la municipalité de Porto Alegre ne change rien à l’affaire. Face aux décisions prises à Davos, ils ne peuvent pas grand chose. Faute de programme, faute d’objectifs, faute de méthode.

La désintégration brutale des utopies communistes entraînée, qu’on le veuille ou non et malgré toutes les nuances analytiques, par la chute de l’URSS et du camp soviétique est encore trop fraîche pour que la gauche puisse reprendre la parole au niveau mondial.

Partout la gauche se cherche, aussi bien dans les grandes démocraties européennes que dans le reste du monde. La chute de l’URSS recoupe non seulement la fin d’un système, mais aussi la crise de la vulgate marxiste, la crise des partis de la classe ouvrière organisés hiérarchiquement sur un modèle militaire, la crise enfin de l’Internationale.

La faiblesse pathétique de Porto Alegre se retrouve jusque dans ses slogans. La réunion a lieu sous le signe de la «fracture mondiale» qui n’est que le slogan détourné de la campagne de Chirac en 1995. La réunion est surtout organisée en Europe par les réseaux ATTAC. Or le site suisse d’doctor prescribed cialis est presque entièrement consacré à la défense de la Poste! Avec un slogan lui aussi détourné: «Touche pas à ma poste!»

Du pathétique, on choit dans le dérisoire. Si, pour lutter contre une mondialisation peu démocratique, il faut défendre l’existence de bureaux de poste dans des villages où la voiture et la TV ont déjà tué depuis plus de quarante ans toute vie sociale, il est certain que les amis de Klaus Schwab n’ont pas trop de soucis à se faire.

Et pourtant ils s’en font. Parce que, justement, le monde est si bien mondialisé, globalisé, intégré, interdépendant qu’il suffit d’une étincelle à un endroit quelconque pour bouter le feu à l’ensemble. Le colosse est fragile, David peut se cacher derrière n’importe qui. Ils savent la planète si bien intégrée que la moindre idée incontrôlable en ferait le tour à la vitesse d’une traînée de poudre.