LATITUDES

Je ne sors plus sans ma robe vidéo (ni mon blouson à eau)

Demain, nos vêtements seront communicants, mémorisants, amincissants, soignants et même spirituels. Merci les chercheurs.

Cet automne, la mode voit se télescoper passé et futur. Si le «vintage» (c’est-à-dire l’ancien) est très tendance, le iWear nous propose une révolution vestimentaire réalisée en collaboration avec des ingénieurs spécialisés dans l’électronique.

Le temps où les habits se contentaient de vêtir est révolu. L’avènement du «vêtement intelligent» a débuté en 1999 avec le slip Triumph anti-viol et le soutien-gorge doté d’un QI. Se crée alors un consortium international iWear spécialisé dans le secteur des vêtements «communicants». Dirigé par le laboratoire de recherche belge Starlab, il regroupe des partenaires dans l’informatique, les télécommunications, l’électronique, la chimie, le textile et la fabrication de vêtements.

En janvier 2000, Olivier Lapidus associé à Sony et Nokia présentait les premiers modèles réunissant son, image et internet: robes vidéos et e-tailleurs avec clavier dans la manche. Les vêtements «communicants» quittent alors les laboratoires de recherche et arrivent dans le commerce.

Aujourd’hui, Levi’s et Philips dévoilent leur collection ICD+ dont on retiendra la veste intégrant portable et lecteur audio numérique (Xenium et MP3 Rush). Son coût: 5’500 francs français, soit 1’400 francs suisses.

De son côté, Nike annonce des tops à bretelles avec casque et balladeur intégrés. France Telecom en est au stade du prototype pour son «blouson téléphone». Au Massachusetts Institute of Technology, le professeur Arthur Pentland élabore une petite caméra épinglable: «Quand je vous rencontre, la caméra vous reconnaît et me communique votre nom à l’oreille». Finies les confusions malheureuses!

La santé est un autre axe d’intenses recherches vestimentaires. Starlab promet de palier nos pertes de mémoire en confectionnant des vêtements capables d’identifier et de mémoriser tous les objets qu’on leur fourre dans les poches. Grâce aux «fibres intelligentes», notre pouls et notre pression sanguine seront bientôt sous étroite surveillance. Pour les sportifs, l’entreprise belge tente de mettre au point un survêtement de jogging qui détaille leurs performances (pour poursuivre ce tour d’horizon du futur à fleur de peau, consultez le site de Starlab).

Mais le corps, c’est aussi l’esprit. Le vêtement de demain vise donc à rendre le spirituel fonctionnel. La marque italienne Havana&Co vient de sortir une «cult-jacket», soit un blouson muni de grandes poches pour ranger les accessoires indispensables à la prière.

Dans sa version musulmane, la veste est équipée d’un tapis de prière et d’une boussole. Dans sa version bouddhiste, on peut ranger dans les poches détachables (au dos) le Kata (écharpe votive en soie), le sachet porte-rosaire, un tissu pour protéger les prières et un coussin. Sans oublier le verre à eau votive, la chandelle et l’encens. «Ce blouson est un message de soutien aux minorités religieuses présentes en Europe», affirme Gian Piero Colombo, son créateur.

Supports cultuels dans la confection de pointe italienne, les vêtements sont souvent produits dans des conditions immorales pour les militants des «clean-clothes» – réunis dans la Campagne Clean Clothes (CCC) qui réunit depuis un an plus de 150 organisations et syndicats du Sud et du Nord.

Les vêtements deviennent même l’œuvre de Satan dans la bouche du dirigeant libyen Kadhafi. «C’est Satan qui a suggéré à Adam et Eve de se couvrir de feuilles. C’est lui qui a inventé les vêtements», a-t-il lancé à l’occasion d’une rencontre avec des féministes jordaniennes (cité par Le Matin du 9 octobre 2000).

Diable, que se mettre sur la peau sans avoir mauvaise conscience?