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Le folklore des extrêmes

Les groupuscules fascisants ou anticapitalistes connaissent certains succès en Europe. En Suisse, ils ne font pas peur à grand monde, férocité du consensus oblige.

Vous avez le bonjour des extrêmes. Dans un pays de consensus, de modération, de juste milieu, de «point trop n’en faut» comme la Suisse, ce n’est pas rien. Elles n’ont jamais vraiment pesé, les extrêmes. Si l’on excepte de rares prurits durant les années de crises, dites aussi années sombres. Un peu de fascisme par-ci, un peu de communisme par-là, comme pour amuser la galerie et puis adieu. Pourtant, elles sont toujours là, les extrêmes, à gauche comme à droite, semblant ne jamais finir de mourir.

Prenez l’extrême gauche. Il se trouve encore de jeunes pousses pour prendre des mains tremblantes des vieux dinosaures, le relais de la vermoulue idéologie anticapitaliste. Voici Pablo Cruchon, à Genève, qui succède à la tête de SolidaritéS à un Pierre Vanek qu’on aurait bien cru aussi insubmersible que la momie de Lénine.

Si l’on s’en tient à l’exemple de Cruchon, né de père vaudois et de mère brésilienne, être d’extrême-gauche en Suisse en 2016 n’est pas si abstrait et compliqué qu’on imaginerait. Il suffit d’abord d’exprimer lucidement un grand regret, tel que Cruchon le formule dans le long portrait que lui consacre Le Temps: «Pour nous, la révolution mondiale n’est malheureusement plus imminente.»

Ceci posé et les larmes séchées, pas question de baisser les bras. Il faut encore au contraire voir grand, large, quitte à risquer le fourre-tout militant. Notre homme en effet n’y va pas avec le manche de la faucille, ni celui du marteau: «Je veux faire converger les luttes, celles des migrants, des chômeurs, du service public, des locataires. Je crois en des mouvements sociaux de fond. Je ne dissocie pas la rue de la politique.»

Vaste programme, dirait l’autre. D’autant qu’une vraie lueur d’espoir s’est levée depuis quelques années pour l’extrême gauche, avec l’apparition et la visibilité grandissante d’une nouvelle sorte de damnés de la terre: les musulmans brimés en terre infidèle. La veine prometteuse de l’islamo-gauchisme, comme on l’appelle à l’autre extrême, Pablo Cruchon, qui se revendique athée et anticlérical, y apporte quand même sa pierre: «Aujourd’hui l’islam fait partie de la société suisse et pour que chacun y trouve sa place, il faut laisser la porte ouverte.» C’est un des marqueurs de la nouvelle extrême-gauche européenne: restée fondamentalement bouffeuse de curés, mais perdant tout appétit lorsqu’il s’agit de croquer de l’imam.

A l’extrême droite, le tableau n’est pas plus engageant. Un concert de rock néonazi (sic) dans le Toggenburg (resic) a mis en lumière l’existence d’un parti nationaliste suisse (PNS). Composé en gros de quelques tondus, façon skinhead rien sur le crâne, et d’à peine plus de pelés, façon rien dans le crâne. La plupart déjà condamnés pour rixes, lésions corporelles, tentatives d’émeutes et bien sûr violation allègre de la norme antiraciste.

Le responsable romand du PNS — au nom tellement obscure qu’on s’épargnera l’effort de le mentionner — assure que les militants sont plus nombreux qu’on pense, mais qu’ils se cachent, car «ils sont surveillés et filmés».

On pourra néanmoins se faire une idée de la force de cette extrême-droite avec le chiffre obtenu par le PNS dans le canton de Vaud lors des dernières élections fédérales: 0,46% des voix. Autre groupuscule fascistoïde, le parti Démocrates Suisses n’est pas plus vaillant, lui qui se voyait devenir une sorte de Pegida à la Suisse, porté par la vague de l’anti-islamisme. Il faut dire que sur ce terrain-là, l’UDC ne laisse à personne d’autre le soin de faire le boulot.

Bref: sur le front de l’extrémisme de droite comme de gauche, tel que le note un rapport de la Confédération, «la situation est calme». Avant d’ajouter, comme pour justifier l’effort et le coût d’une telle enquête, que «le potentiel de violence subsiste».

Avec des ennemis pareils, le système, en forme de consensus mollachu et dont l’UDC, malgré ses rodomontades, fait bien partie, a de beaux jours devant lui. Les révolutions et leurs convoyeurs attendront.