LATITUDES

Le potentiel de l’origami

Loin de se cantonner à l’art du bricolage, l’origami déploie ses vertus dans la recherche scientifique et inspire de nombreuses inventions récentes et prometteuses.

Il y a peu, se lancer dans une opération séduction dans la Silicon Valley, affublé d’un coq rouge en origami, aurait paru bien ringard. Rien de tel aujourd’hui. En épinglant au revers de sa veste la mascotte de la «French Tech», le politicien français Emmanuel Macron se plie à l’air du temps.

L’origami, c’est tendancissime! Cet art du pliage est né en Chine il y a plus de 2000 ans puis a été importé par des moines bouddhistes au Japon. Il y est même encore enseigné dès la maternelle et élevé au rang d’art véritable. Une preuve? L’hôpital de Kurashiki, à Tokyo, expérimente depuis quelques mois une nouvelle façon d’évaluer la dextérité de ses étudiants en médecine avec un concours chronométré de micro-origamis.

L’origami serait même en passe de devenir l’activité manuelle «feel-good» 2016. Les livres de coloriage n’ont plus la même cote: cet art du pliage a donc le champ libre.

Un sérieux coup de pouce lui sera donné le 7 avril prochain avec la sortie de “The Book of Mindful Origami: Fold paper, unfold your mind” de Samuel Tsang. On y apprend notamment que cette activité est accessible à tous, requiert peu de matériaux et est réputée pour ses vertus relaxantes. Mais ce n’est pas tout, elle permettrait aussi d’aiguiser la concentration et la mémoire et même d’atteindre la «pleine conscience», un état mental tant recherché en ce moment.

Le potentiel de l’origami est exploité bien au-delà du bricolage. Couturiers, designers, architectes, mathématiciens, astrophysiciens, biologistes, informaticiens, ingénieurs et chercheurs de bien d’autres disciplines les explorent. De nombreuses créations en sont les fruits.

Plus aucun champ de la recherche ne se prive d’une approche origamique. De la biologie cellulaire à l’exploration spatiale, des projets novateurs s’inspirent des possibilités de ce passage miraculeux d’une surface à un volume, de la 2D à la 3D. Fini les schémas d’assemblages, place aux objets d’un seul tenant. Il est possible de tout plier pour obtenir n’importe quelle forme, aussi compliquée soit-elle.

Parmi les nombreuses applications déjà réalisées, relevons les voiles solaires de la NASA embarquées à bord des satellites, les airbags des voitures, les micro-sondes et micro-robots à l’échelle nanométrique qui peuvent être injectés dans le corps humain pour y déverser des médicaments jusqu’au noyau des cellules, la prothèse cardiaque capable de s’auto déployer une fois posée ou encore les minuscules instruments chirurgicaux permettant des interventions impossibles jusqu’ici.

Mais l’incontestable maître origamiste, c’est la nature. Des formes les plus simples aux plus complexes, tout y est affaire de plis. Ainsi, l’ADN d’une cellule, lorsqu’il est déplié, mesure deux mètres, et une protéine est constituée d’une longue chaîne d’acides aminés repliée. «L’art du pli est à la base des mécanismes évolutifs ayant permis la sélection des processus les plus ‘économiques’ pour le déploiement de la vie», indique François-Xavier Vives, l’auteur du fascinant “Un monde en plis. Le code origami.” (2015). Ce documentaire nous fait découvrir la présence de cet art ancestral au cœur de la recherche scientifique la plus contemporaine. Une révélation en 57 minutes qui nous fait voir le monde où nous vivons faits d’une multitude de plis.