Sortir du nucléaire, disait le Conseil fédéral. A voir les premières propositions du parlement sur le sujet, il faut bien constater que l’atome s’accroche.
Le nucléaire c’est un peu comme Federer. Annoncé cent fois au bout du rouleau. Mort. La sortie c’est par là, c’est maintenant. Qu’on n’en parle plus. Zou.
Et puis ça revient. Ça n’en finit pas de revenir. Coups droits par ici, coups tordus par là. Personne certes n’aurait l’idée, et c’est peut-être la seule différence, de soutenir que Federer puisse être dangereux pour la santé. Plus propre il n’y a pas. Mais justement: comme le nucléaire, diront les amis de l’atome.
Alors bien sûr, il y a eu Nadal, il y a eu Djokovic, qui sont venus exploser la légende, comme il y a eu Tchernobyl, puis Fukushima pour décrédibiliser le nucléaire. Bon pour la retraite, mûr pour la casse.
Sauf que voilà, le divin Roger regagne, se cramponne à sa raquette. Sauf aussi qu’après avoir décrété la mort du nucléaire, le Conseil fédéral voit sa stratégie énergétique pour 2050 largement nuancée par le parlement. En l’occurrence la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE) d’un Conseil national qui empoignera le dossier dès décembre.
Tandis que le Conseil fédéral n’avait inscrit aucune date sur le faire-part de décès des centrales suisses, hormis pour Mühleberg qui fermera en 2019, la CEATE, elle, annule carrément l’enterrement. Ou plutôt propose une sorte d’acharnement thérapeutique qui devrait — c’est en tout cas le but que lui prêtent certains — finir par pousser le patient au suicide.
Si, également, l’initiative populaire lancée par les Verts fixait à 45 ans la durée maximale d’exploitation d’une centrale — ce qui condamnant Beznau I et II pour 2020, Gösgen pour 2024 et Leibstadt pour 2029, autrement dit sortez les bougies, repeignez la caverne — la CEATE se montre un poil plus vicieuse. Dans sa magnanimité et saisie sans doute de bouffées de compassion, elle estime qu’il n’y a pas d’âge idéal pour être débranché. Et prône des délais de prolongation qui seraient accordés par tranches de dix ans, mais à des conditions plus que drastiques. Incluant notamment que les centrales soient rééquipées, histoire de garantir la sécurité jusqu’au dernier jour d’exploitation.
On n’est jamais trop prudent en effet. Les dangers sont partout. Un tsunami pourrait balayer la Suisse, des fonctionnaires soviétiques être nommés à la tête de nos centrale, Dieu sait quoi encore. «Le fil le plus ténu de l’araignée est une corde, un câble, à côté du lien fragile qui unit l’homme au bonheur terrestre — il rompt au premier souffle», se lamentait un poète anglais romantique et oublié, Edward Young, à l’heure où l’Angleterre n’en était encore qu’à tousser dans les premières fumerolles des usines à charbon.
Reste que certains croque-morts, toujours sur le qui vive, ont bien saisi l’intérêt de la manoeuvre proposée par la CEATE. «Ce mécanisme de concept d’exploitation à long terme lié à la sécurité est meilleur que la situation actuelle, cela incitera les exploitants à arrêter les centrales nucléaires, car les coûts seront élevés», s’enthousiasme ainsi le conseiller national vaudois Roger Nordmann (PS) par ailleurs grand apôtre du solaire.
D’autres fossoyeurs cependant voient plutôt dans ce qui se dessine le cercueil à moitié vide. Telle la verte Adèle Thorens, pour qui «ce n’est pas une loi de sortie du nucléaire, mais une loi qui dit comment on va prolonger la vie des centrales».
Bref, il conviendrait de ne pas perdre de vue qu’à la base de la fameuse stratégie énergétique 2050 il y avait quand même le remplacement progressif du nucléaire par les énergies renouvelables. Les nucléairophiles vous diront, évidemment, que le renouvelable, c’est bien beau, mais que ça ne marche que quand ça veut, une fois oui, une fois non, et que ça coûte à la fin très cher pour pas grand chose. Que le renouvelable c’est un peu, disons, comme Wawrinka.