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Nos nouveaux amis

Les personnages les plus douteux brandissent désormais le drapeau suisse aux quatre coins de l’Europe. Face à la crise ouverte le 9 février, l’UDC fait ce qu’elle sait le mieux: s’en laver les mains.

Résumons: nous avons de nouveaux amis. Chaleureux, enthousiastes et qui nous aiment d’un amour peut-être soudain, mais tout à fait spectaculaire. Tel Mario Borghezio, ce député de la Ligue du Nord, célèbre jusqu’ici pour avoir grossièrement injurié une ministre italienne d’origine africaine et pour avoir su exprimer une certaine sympathie pour un Norvégien pourtant médaillé d’aucun titre à Sotchi — le camarade Breivik. Et aussi, lors d’un passage en France pour avoir célébré «l’enthousiasmant poète» Brasillach. C’est qu’il n’avance pas masqué, notre nouvel ami. Il a une vision bien claire des choses. «Vive les Blancs de l’Europe, vive notre identité, notre ethnie, notre race!», s’est-il écrié lors du même passage à Orange (Vaucluse) devant le Bloc identitaire.

On supposera que ses autres et plus récentes vociférations — «Vive le fédéralisme, vive la liberté des peuples!» — lâchées en pleine séance du parlement européen, un fort seyant drapeau suisse à la main, sont allés droit au coeur de tous ceux qui ont approuvé le 9 février la désormais trop fameuse initiative UDC. Ceux-là considéreront peut être que Borghezio — condamné entre autres pour violence sur un jeune clandestin marocain de 12 ans qu’il avait dénoncé à la police — a du moins l’excuse d’avoir réagi aux platitudes d’un Cohn-Bendit de moins en moins flamboyant. Du genre: «La Suisse veut le beurre et l’argent du beurre.»

On ne sait pas si les fortes paroles du liguard transalpin auront été du miel pour un Oskar Freysinger qui en aurait bien besoin. Lui qui essuie la colère des enseignants pour des coupes à la hache dans l’école valaisanne. Et qui fait donner la charge en retour par son responsable de communication, le romancier-éditeur Slobodan Despot, auteur justement du «Miel».

Lequel Despot joue les caliméros, lui d’ordinaire plutôt du genre fleur au fusil. Freysinger en réalité n’en pourrait rien. Tout cela serait la faute du parlement et du gouvernement valaisan. Il serait bien injuste que l’ire des enseignants et des syndicats ainsi que les quolibets de la presse, y compris valaisanne, s’abattent sur le seul homme au catogan. Lui ne ferait qu’exécuter.

On pourra quand même se demander à quoi le conseiller d’Etat Freysinger est payé, si ce n’est à défendre l’école, et donc à convaincre un parlement et des collègues au gouvernement de l’importance du poste de la formation dans le budget ou sinon à assumer les décisions désagréables. Comment dit-on pouvoir de persuasion en patois tyrolien? Courage en serbe?

Dans le même temps, le même Freysinger, face au cas d’une fillette de 7 ans victime de racket au point de ne plus oser se rendre en classe, fait preuve de la même détermination, du même sens des responsabilités: cette affaire, relevant des écoles communales sédunoises, ne le concerne en rien. Ponce Freysinger, la rodomontade toujours à la bouche dès qu’une caméra s’allume, a cette fois tranché en se servant d’une arme qu’on ne lui savait pas si chère: la cuvette d’eau savonneuse.

Au-delà de ces personnages, on en viendrait à postuler l’existence d’un syndrome UDC. Consistant à pontifier, vitupérer, condamner, dénoncer, jouer avec la démocratie directe, se faire élire parfois, mais sans jamais se poser la question des conséquences concrètes des discours tenus. Ce n’est ainsi pas l’UDC qui va venir apporter le début d’un commencement de solutions à la crise réelle ouverte depuis le 9 février.

Il ne s’agit en somme que de bomber le torse sans tenir compte de la complexité du monde. Le bref et calamiteux passage de Blocher au Conseil fédéral en fut la première illustration. Il existe toute une série de termes dans la langue française pour qualifier ce genre de profils psychologiques, où l’amplitude de la parole est inversement proportionnelle à la capacité d’agir. Fier-à bras, tartarin, fanfaron, vantard, crâneur, matamore, bravache. Suffisamment en tout cas que pour que chacun s’y reconnaisse. Pas vrai les (nouveaux) amis?