tadalafil professional test

Retour aux années de plomb

Des initiatives xénophobes, des Jeux olympiques organisés n’importe où, des pirates qui tombent du ciel. On pensait pourtant en avoir fini avec les années 1970.

2014, sacré millésime. Après tant de tristes piquettes, de têtes toujours basses, de murs soigneusement rasés. L’«annus horribilis» de Moritz Leuenberger faisait peut-être figure d’exception, ce cru 2001 culminant avec la tuerie du parlement de Zoug et le clouage au sol de Swissair, géant autoproclamé que ses ailes prétentieuses avaient bien fini par empêcher de marcher. Et même, plus fort encore que l’albatros, de simplement voler.

Péripéties en réalité, faits à peine divers que tout cela. Désormais c’est sûr, face à un bel enchaînement de catastrophes ou une jolie suite d’événements spectaculaires et dramatiques propulsant l’invisible Suisse sur le devant d’une scène mondiale ahurie, on dira: c’est reparti comme en 14.

Encore qu’un détournement d’avion sur nos macadams immaculés, juste après une initiative qui proposait de limiter le nombre de travailleurs ne pouvant montrer pattes ni croix blanches, cela rappellerait plutôt les peu vertes années septante. Que les Italiens, eux, qualifiaient carrément de plomb.

Il ne manquerait plus que la controverse sur les Gripen se transforme en scandale du genre Mirages. Qu’Ueli Maurer devienne le Paul Chaudet du nouveau millénaire, ce conseiller fédéral vaudois à qui l’achat d’un nouvel avion de combat fut fatal et dont une chanson populaire détournée assurait que sur la place de la Palud, il montrait son cul. Le grand bond en arrière nous ramène là carrément au cœur des sixties.

Ajoutons pour parfaire le tableau comparatif, les Jeux olympiques d’hiver de Sapporo. Des compétitions organisées en 1972 juste pour complaire à un pays meurtri mais renaissant. Avec épreuves se déroulant dans un endroit improbable — l’Hokkaido japonais — sans infrastructures préalables ni pentes véritables, dans des conditions météo dantesques et maritimes, sur une neige qui ne ressemblait à rien de connu et d’où les athlètes suisses — les Russi, Nadig et autres Collombin — ramenèrent une très honorable moisson de médailles. Déjà viou, comme disent les anglo-saxons.

Sauf évidemment qu’en ces temps reculés les pirates de l’air agissaient au nom d’une cause, fut-elle mauvaise, qui dépassait largement leurs misérables et étriqués destins personnels.

Sauf qu’en ces époques antédiluviennes, les Jeux olympiques étaient peut être déjà organisés n’importe où, mais sous l’égide au moins de gouvernements à peu près respectables.

Sauf enfin qu’en ces périodes de vaches déjà grasses, de plein emploi déjà insolent, et de travailleurs étrangers déjà indispensables à la prospérité générale, les initiatives xénophobes étaient, le croirait-on, repoussées assez nettement en votations populaires par un souverain utilisant sa tête plutôt que sa tripe profonde.

Quitte à se refuser ce plaisir si fin et si vain, dont nous nous gobergeons aujourd’hui et consistant par nos votes renversants, nos fiers galops contre des murs trop hauts pour nous, à faire dérailler les observateurs les plus affûtés, ici comme ailleurs.

Qui peut en effet sérieusement douter que la vérité ne se cache à mi-chemin entre l‘éloge à la Zemmour — les Suisses qui seraient désormais «les seuls à mériter le beau nom de citoyens» — et les coups de bâtons à la Zaki, qualifiant le repli identitaire de l’UDC et de tous ceux qui semblent s’y retrouver, de «notre islamisme à nous»?

L’histoire ne se répète peut-être pas. Il n’est même pas sûr qu’elle bégaie. Il est possible néanmoins qu’on l’entende parfois roter. Et que cela ne sente pas toujours très bon. Il existe un mot pour cela: relents. Au pluriel.