S’en prendre à l’UDC et au vieillard radotant qui la conduit ne suffit pas à expliquer le désastre du 9 février. Que chacun fasse son mea culpa.
Même les fromages. Oui, même eux en tremblent et se liquéfient sur leurs étagères après la balle mémorable que les Waldstätten se sont tirés dans leurs mollets noueux, un sombre dimanche de février. «On a un peu peur que cela ait un impact sur l’image de la Suisse. Si on pense à la Suisse, on pense au fromage», se désole-t-on du côté de Switzerland Cheese Marketing (SCM). Cette satanée Europe n’absorbe-t-elle pas 80% de nos gommeuses et emblématiques exportations?
On ne vous parle pas des associations d’étudiants qui imaginent la porte d’Erasmus bientôt leur être claquée au nez. Les chercheurs tout pareillement qui se voient déjà privés des juteux fonds européens. Le reste à l’avenant, avec un Barroso en père fouettard qui menace de refouler, par justes représailles, les immigrés suisses installés dans l’Union. C’est clair, c’est sûr, et comme si c’était fait: le grand méchant loup européen va nous croquer tout cru.
Il est pourtant vain de s’en prendre à l’UDC, toujours restée dans son rôle à rabâcher les mêmes piteux fantasmes. Un parti qui accompagne de plus en plus son chef historique dans ce qu’il faudra bien à force appeler une forme de sénilité.
N’est-ce pas le propre et la marque d’un vieillard que de rêver à sans cesse à un monde de plus en plus petit, de plus en plus fermé, à si possible triple, quand pas quadruple tour? De rester sagement assis sur une rente rondelette et entouré des siens — des siens seulement et qui vous ressemblent: vieux, fatigués, heureux. N’est-on jamais si bien qu’entre gens de même acabit?
Oui le voilà le grand projet UDC: une douillette et humble prospérité, loin des vents mauvais et des bises audacieuses — l ’âge, c’est bien connu, rend frileux les plus endurcis: pourquoi sinon verrait-on des retraités chercher refuge sous des latitudes aussi plates qu’ensoleillées?
Il n’est pas moins vain de s’en prendre à la démocratie directe, modèle indépassable de juste et saine gouvernance, surtout quand il s’agit de se prononcer sur un problème aussi important que la libre circulation. Vain également de fustiger les tombereaux de linottes prêtes à suivre le cacochyme grand prêtre Blocher dans ses pauvres tentatives d’étouffer une Suisse mobile, variée, jeune, inventive et donc prospère.
Vain enfin de s’indigner de la pique d’un vieillard revanchard contre des Romands censément moins patriotes, moins réellement Suisses que leurs gutturaux compatriotes de très outre-Sarine. Pourquoi attacher la moindre importance à ce genre de radotages qui riment visiblement avec naufrage?
La poignée de voix qui a manqué montre bien que s’il y a des responsables, c’est peut-être dans la classe politique toute entière qu’il faut les chercher. Tous ces parlementaires satisfaits, ces conseillers fédéraux inodores, ces conseillers d’Etat à bedaines de notables ont-ils suffisamment mouillé leurs impeccables chemises? Poser la question, c’est évidemment suggérer que non.
Rien n’est pourtant perdu. Aux peuples inventifs, des solutions miraculeuses s’offrent toujours. La radio romande ne nous apprend-elle pas qu’être l’un des pays les plus pauvres du globe n’a pas empêché l’Ethiopie de devenir le quatrième producteur mondial de fleurs?
Reste que parmi ces concerts de lamentations, au milieu de cette avalanche de désolations, les voix les plus apaisées ne sont pas toujours les plus rassurantes. Telle celle de cet homme qui parle d’or: «Des solutions pragmatiques sont nécessaires et je suis convaincu que nous allons les trouver.» Dormons tranquilles, braves gens que nous sommes: l’immense Johann Schneider-Ammann, ci-devant ministre de l’économie et slalomeur fiscal par derrière, saura bien nous optimiser ce fichu imbroglio.