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La «guéguerre» des cantons pour attirer des PME

Les déplacements d’entreprises en Suisse romande se multiplient. Les motivations sont parfois fiscales, mais plus souvent logistiques. Les régions jouent des coudes et font valoir leurs atouts respectifs. tour d’horizon.

Ce n’est évidemment jamais une bonne nouvelle pour un canton de voir une entreprise locale partir chez le voisin, à quelques kilomètres. C’est ce qui est arrivé au canton de Fribourg, qui a vu la société Boschung annoncer son départ pour Payerne en début d’année. Une annonce venant s’ajouter à celle de l’entreprise Zumwald, ayant opté de son côté pour Avanches (VD).

Par chance, entre les départs et les arrivées, la situation semble en général s’équilibrer. C’est ce que l’on signale du côté de la Promotion économique du canton de Fribourg, où ces deux décisions n’ont pas manqué de faire réagir la classe politique concernant l’attractivité du canton pour les PME, notamment en matière de terrains industriels constructibles. «D’autres entreprises sont venues s’installer dans notre canton dernièrement comme Vetrotech, en provenance de Berne, ou Marvinpac depuis Vaud», relève le porte-parole Christoph Aebischer.

Qu’est-ce qui pousse les PME à choisir un canton plutôt qu’un autre? Quand on s’intéresse à des cas concrets, on constate que la fiscalité n’est pas le principal critère pris en compte lorsqu’elles choisissent un nouveau canton d’implantation. Contrairement aux grandes firmes internationales qui savent que les différences d’imposition d’un pays à un autre peuvent être largement plus significatives. Il n’empêche que l’offre spécifique de chaque canton en matière de terrains disponibles, de locaux, de position géographique ou d’infrastructures peut jouer en sa faveur et décider une entreprise à délocaliser ses activités.

En raison de son activité fortement liée à l’aéronautique, la société Boschung met en avant comme argument principal de son déménagement la proximité de l’aérodrome. Actif à l’international, le groupe familial fribourgeois développe, produit et commercialise des véhicules et des systèmes électroniques pour l’entretien de surfaces de circulation des aéroports, autoroutes et communes.

Fin 2012, sa direction a choisi le site de Payerne à la suite d’un processus d’évaluation «tenant compte du besoin d’accessibilité à des infrastructures aéroportuaires, mais aussi de l’importance de sauvegarder les emplois dans la région», indique le porte-parole de l’entreprise Claude Kübler.

Directement raccordé à l’aérodrome, le nouvel emplacement devrait donc permettre à la société, qui dispose de sites de production en Suisse, en Allemagne, en Hongrie, aux Etats-Unis, en Russie et en Chine et qui emploie quelque 650 personnes dont 150 en Suisse, de tester et de démonter ses systèmes aéroportuaires dans un contexte adapté.

Une centralisation qui permet également d’importantes synergies et des gains d’efficacité conséquents par rapport aux cinq emplacements différents actuels, répartis dans les cantons de Fribourg et de Zoug. L’investissement s’élève à 30 millions de francs, selon Claude Kübler, qui précise que les différences de fiscalité entre Vaud et Fribourg n’ont pas joué un rôle central dans le contexte de cette décision.

Active dans le conditionnement à façon et le développement de solutions de packaging innovantes, la société Marvinpac, qui emploie 80 collaborateurs fixes en Suisse et 60 en République tchèque, a décidé pour sa part de déménager en raison de la démolition du site vaudois dans lequel elle se trouve actuellement. Elle a donc entrepris des démarches de recherches de relocalisation, tant sur Vaud que dans le canton de Fribourg.

Se rapprocher des clients

«Aucune recherche n’a pu aboutir dans le canton de Vaud dans le timing très court de deux ans dont nous disposions et à une distance maximale de 40 km que nous nous étions fixée afin de conserver au maximum notre personnel, explique Ludovic Hericher, directeur général de l’entreprise. C’est la raison de notre choix de transfert sur la commune de Châtel-Saint-Denis.»

Un autre cas de figure illustre bien les différences d’attractivité entre cantons en fonction des besoins propres aux entreprises. Il ne concerne pas une PME romande souhaitant déménager de canton, mais un groupe étranger qui hésitait entre deux cantons pour y implanter une antenne. En l’occurrence, il s’agit du géant allemand du verre Schollglas qui a choisi de construire une base à Steg, dans le Haut-Valais, après avoir prospecté du côté vaudois. L’un des aspects principaux semble avoir été la volonté de se rapprocher de l’un de ses principaux clients, en l’occurrence la société EgoKiefer, basée à Villeneuve.

«Il est généralement rare d’assister à une délocalisation complète d’une société établie en Suisse vers le canton du Valais, note Jocelyne Pepin, responsable de la promotion exogène du canton du Valais. Plus souvent, il s’agit d’expansion en vue de se rapprocher d’un fournisseur ou d’un client important.»

Dans ce cas, l’entreprise aurait, selon elle, examiné l’ensemble des sites potentiels dans le Chablais, aussi bien sur Vaud qu’en Valais avant de choisir le site de Steg, «pour des raisons propres, mais entre autres en raison d’une surface de terrains répondant tout à fait à leurs critères et permettant de démarrer rapidement les travaux de construction». En matière de finance et de fiscalité, le canton du Valais affirme «ne pratiquer aucune surenchère» au détriment des autres cantons suisses et informe les autres promotions économiques cantonales lorsqu’une société située sur leur territoire les sollicite en vue d’établir une succursale ou un développement d’activité.

Ce gentlemen’s agreement, qui implique de ne jamais effectuer de démarchage dans un autre canton, est confirmé du côté de la Promotion économique vaudoise. Celle-ci admet néanmoins que dans le cas de groupes étrangers souhaitant s’installer en Suisse romande, comme dans l’exemple du groupe allemand, deux cantons peuvent se retrouver en concurrence.

Les organes de promotion économique ne feraient donc que répondre aux éventuelles demandes d’entreprises venant de cantons voisins. La plupart seraient avant tout à la recherche de locaux ou de terrains adéquats, davantage que de conditions fiscales plus favorables. Dès lors, plus que des bons ou des mauvais cantons, il y aurait surtout des avantages ou des inconvénients structurels en termes de position géographique, de disponibilité d’espace ou de terrains répondant aux besoins spécifiques des entreprises à un moment donné.

Bien qu’un certain flou règne sur les questions fiscales — les entreprises et les autorités cantonales préférant ne pas trop s’étendre sur cet épineux sujet –, les allégements ou exonérations ne seraient attribués qu’à des conditions très précises. Par exemple, le canton de Vaud annonce n’en accorder qu’aux entreprises nouvellement créées et qui exercent une activité durable dans le canton.

Ces allégements peuvent également s’appliquer aux entreprises qui modifient de façon fondamentale leurs activités et qui annoncent une restructuration importante sur le plan économique. La décision finale appartenant au Conseil d’Etat, qui se fonde pour ce faire sur un préavis de l’administration cantonale des impôts, de la promotion économique, ainsi que des communes concernées. Les critères sont, dans les grandes lignes, les mêmes dans le canton du Valais, où les exonérations sont, là aussi, prévues pour demeurer limitées dans le temps.

En Valais, les conditions géographiques se révéleraient donc incontournables dans le choix d’une implantation. Ce que tend notamment à confirmer le cas de Nespresso, qui avait fermé ses centres d’appels de Vaud et à Zurich il y a quelques années pour concentrer ses activités sur un même site valaisan. En l’occurrence, cela lui aurait permis, relève-t-on du côté de la promotion économique valaisanne, de recruter au mieux des collaborateurs afin de desservir les trois langues nationales.

Le critère géographique a aussi été déterminant dans le cadre de la récente arrivée de Factory Design Labs, une société américaine active dans le domaine sportif ayant installé son quartier général européen au Châble, non loin de Verbier.

«Nous avons choisi Verbier pour y installer notre siège européen en raison de la culture de l’alpinisme et de la montagne qui y règne et parce qu’il s’agit d’un centre d’activité principal pour nos clients», souligne le responsable de l’antenne helvétique Frank Persyn. L’implantation géographique de la station, située près de la France, de l’Italie et de l’Allemagne a représenté un atout supplémentaire pour ce groupe fondé à Denver en 1996, souhaitant renforcer sa présence mondiale.

L’aspect fiscal peut aussi peser sur la balance. «Le climat fiscal du Valais a également représenté un argument pour commencer nos affaires ici, confie Frank Persyn. L’assistance du canton en termes de mise en relation avec des banques, des avocats ou des comptables nous a été des plus utiles pour nous intégrer en Valais et plus précisément dans le Val de Bagnes.»

Une intégration qui devrait permettre à l’entreprise, qui compte parmi ses principaux clients des marques comme The North Face et Oakley, d’agrandir ses effectifs d’ici à la fin de l’année à une dizaine de collaborateurs et d’en atteindre, idéalement, une petite trentaine d’ici à trois ans.

Aussi décentré, mais moins alpin, le canton de Neuchâtel, qui a notamment assisté l’année dernière à l’annonce du transfert de la société Colibrys du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) pour le Parc technologique et scientifique d’Yverdon, a décidé lui aussi de prendre les choses en main afin d’augmenter son attractivité, notamment en revoyant à la baisse la fiscalité des entreprises.

Une réforme qui semble déjà avoir porté ses fruits. Tout au moins, le canton se félicite des effets positifs en termes de rentrées fiscales depuis cette mise en oeuvre, il y a deux ans: celle-ci aurait permis de faire passer les recettes des personnes morales de 142 millions de francs en 2011 à 173 millions dans les comptes de 2012. Une réforme fiscale qui aurait, en outre, l’avantage d’être compatible avec les exigences de l’Union européenne et qui devrait ouvrir la voie à une réforme de la fiscalité des personnes physiques, réforme dont le canton semble également avoir grand besoin.

Les promotions économiques avouent que les cantons se retrouvent parfois en concurrence. Critères de décision. Comme ici pour Marvinpac, la fiscalité n’est pas ce qui attire le plus les PME. L’offre de terrains disponibles, de locaux, d’infrastructure et la position géographique sont aussi importantes. Nespresso. L’entreprise avait également profité des conditions géographiques en concentrant son centre d’appel sur un seul site valaisan.
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Tendance à la baisse de la fiscalité des entreprises

Lorsqu’il s’agit d’accueillir des entreprises, les cantons romands sont en concurrence. Cette course à l’attractivité implique notamment des conséquences fiscales. Avec une tendance vers une réduction des impôts un peu partout en Suisse romande, selon un rapport de Credit Suisse.

Inévitablement, des différences subsistent. Concernant l’imposition des personnes morales, Genève se situait en dernière position en 2011 (juste en dessous de 130 sur une moyenne de 100), suivie de près par Neuchâtel, puis du canton de Vaud. Pour leur part, Fribourg et le Valais se classent en meilleure position et se situent juste au-dessus de la moyenne, à environ 105. Pour ce qui est de l’imposition des personnes physiques, critère qui peut également peser dans la balance lorsqu’il s’agit pour une entreprise de choisir un canton d’accueil, Neuchâtel arrivait en dernière position (à plus de 130) alors que Genève, Vaud, le Valais et Fribourg se classent chacun dans un mouchoir de poche, autour de 110. Sans surprise, la Suisse alémanique bénéficie d’une position fiscale globale plus attractive que les cantons romands.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.