LATITUDES

Tous unis contre la pollution plastique

Le plastique est omniprésent sur Terre. On le retrouve dans tous les habitats et, de plus en plus, dans les organismes vivants. La communauté internationale est parvenue à une décision historique pour lutter contre sa propagation. Une convention internationale contraignante devrait voir le jour d’ici à 2024. Mais comment pourra-t-elle renverser la tendance?

Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans le magazine L’Environnement. Abonnez vous gratuitementcialis 5mg lilly fta

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2 mars 2022, Nairobi. des cris de joie fusent lorsque le président de la 5e Assemblée des Nations Unies (UNEA) pour l’environnement, Espen Barth Eide, marque l’adoption d’une résolution historique d’un coup de marteau en plastique… recyclé: l’ONU s’est engagée à mettre un terme à la pollution plastique et à présenter un instrument juridiquement contraignant d’ici à 2024. «La pollution plastique est devenue une épidémie», a déclaré Espen Barth Eide. «Avec la résolution d’aujourd’hui, nous sommes officiellement sur la voie d’un remède.»

La décision était attendue depuis longtemps: d’après des estimations de l’ONU, 400 millions de tonnes de plastiques sont produites chaque année, et seulement 9 % sont recyclées. Actuellement, 12 % des déchets plastiques sont incinérés, le reste est abandonné dans des décharges ou déversé dans l’environnement. On estime que douze millions de tonnes de plastique finissent chaque année dans les mers et les océans, avec une tendance à la hausse. Ces déchets mettent en danger la vie des animaux marins et des oiseaux, qui confondent les morceaux de plastique avec de la nourriture et les ingèrent. Ceux-ci obstruent leur système digestif et provoquent des blessures internes. Les animaux meurent de faim, le ventre plein. Les micro-organismes ne sont pas épargnés: le zooplancton exposé aux microplastiques pousse plus lentement et produit moins de ressources alimentaires. Outre le plastique lui-même, des additifs chimiques présents dans le plastique tels que les plastifiants peuvent représenter un danger pour les animaux et nuire à leur reproduction.

Il neige du plastique dans l’Arctique

Les mers et les océans ne sont cependant pas les seuls concernés. Les matières plastiques sont présentes partout dans l’environnement: dans les sols, les fleuves, les lacs, et même dans l’air, où elles participent aux particules fines. Ainsi, les microplastiques et le microcaoutchouc provenant de l’abrasion des pneus sont transportés dans l’air sur de longues distances, jusqu’en Arctique. Dominik Brunner, spécialiste en modélisation atmosphérique au Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche Empa, a été le premier à étudier dans le détail cette propagation. À l’aide de données sur les vents et la météo, il a réussi à retracer l’origine de microparticules qui s’étaient déposées sur un sommet enneigé autrichien. Ainsi, 30 % de ces particules provenaient d’un rayon de 200 kilomètres, principalement des villes. Mais il semblerait que les microplastiques présents dans les océans se retrouvent également dans l’air par le biais des embruns des vagues : 10 % des particules mesurées sur le sommet autrichien ont été transportées sur plus de 2000 kilomètres – parfois depuis l’Atlantique. Si l’on extrapole ces mesures à la Suisse, 43 trillions de fines particules plastiques – soit 43 milliards de milliards – atterrissent dans notre pays chaque année.

Les matières plastiques posent avant tout problème en raison de leur durée de vie. Bien qu’elles se fragmentent en morceaux de plus en plus petits, elles ne se dégradent que très lentement dans l’environnement. Ainsi, des quantités importantes de particules fines s’accumulent au fil du temps dans les sols et les eaux. Les conséquences sont peu connues. Le fait que des microplastiques aient récemment été découverts dans des vaisseaux sanguins humains (lire encadré) suscite des inquiétudes. Sans oublier que de nombreux plastiques contiennent des produits chimiques dangereux.

Dès lors, comment lutter contre la pollution par les matières plastiques? «La présence de plastiques dans l’environnement est un problème complexe et global qui ne peut être résolu que dans le cadre d’une démarche concertée», estime Damaris Carnal de la section Affaires globales de l’OFEV. «La convention internationale sur le plastique est une chance incroyable de renverser la tendance.» La collaboratrice de l’OFEV précise que la Suisse s’engagera activement pour parvenir à un accord ambitieux. Il a été convenu à Nairobi que la convention comportera des mesures portant sur l’ensemble du cycle de vie des matières plastiques – de la production au recyclage et à la gestion des déchets en passant par son utilisation. Il est essentiel que les plastiques soient utilisés de manière efficace et restent intégrés dans les cycles des matériaux aussi longtemps que possible, estime Damaris Carnal. Mais tous les déchets plastiques ne peuvent pas faire l’objet d’une valorisation matière. «Il y en a trop et ils ne sont de loin pas tous recyclables. La seule solution consiste à réduire la production et la consommation des plastiques.»

 Des plastiques dans le corps humain

Ce n’était qu’une question de temps. Des microplastiques avaient déjà été trouvés dans des oiseaux, des poissons, des moules et des crevettes. Personne n’a donc été surpris lorsque, en 2018, des scientifiques en ont découvert dans le corps humain. Plus exactement : dans les selles de huit participantes et participants à une étude réalisée par l’Université de Vienne. En moyenne, ces selles contenaient 20 particules plastiques d’une taille comprise entre un vingtième de millimètre et un demi-millimètre. L’Agence autrichienne pour l’environnement a identifié neuf plastiques différents dans les échantillons récoltés, essentiellement du PET (polyéthylène téréphtalate) et du PP (polypropylène), couramment utilisés dans les emballages.

Quatre ans plus tard, des scientifiques de l’Université d’Amsterdam ont trouvé des microplastiques dans du sang humain. Les particules plastiques ne passent donc pas seulement dans le tractus gastro-intestinal, elles peuvent aussi traverser la barrière sanguine. Celles identifiées dans le sang des 22 participantes et participants possédaient, en moyenne, une taille de 0,0007 millimètre, ce qui est quasiment de l’ordre de la nanoparticule. La concentration mesurée de 1,6 microgramme par millilitre de sang correspond à une cuillère à café de plastique mélangée dans 1000 litres d’eau. Fin 2021, des médecins du Castle Hill Hospitals de Leeds (GB) ont trouvé, cette fois, de fines particules plastiques dans des tissus pulmonaires. Ils ont notamment constaté, avec surprise, que ces particules ne s’accumulaient pas seulement dans la partie supérieure des organes, mais également dans les régions inférieures, où les bronches sont beaucoup plus fines et ramifiées.

On ne connaît pas encore l’impact des particules plastiques sur la santé. Les scientifiques redoutent qu’une partie des microplastiques se fixe dans les organes et les tissus, et que leur présence provoque des inflammations. Cela se produit aussi, par exemple, lorsque des fibres d’amiante longues et fines pénètrent dans les poumons. On retrouve le même phénomène avec la pollution atmosphérique : les particules de suie provenant des centrales hydroélectriques, des gaz d’échappement des véhicules et des incendies de forêt se déposent dans le nez, les bronches et les poumons, et, à une concentration élevée, endommagent les voies respiratoires. De minuscules particules de poussières fines peuvent même atteindre le sang et provoquer des inflammations dans les parois vasculaires, favorisant alors l’apparition d’une artériosclérose, autrement dit d’un rétrécissement des artères.

Les nanoplastiques suscitent aussi des inquiétudes. On redoute qu’ils réussissent à pénétrer à l’intérieur des cellules et à perturber ainsi l’activité cellulaire. Par ailleurs, les méthodes d’analyse actuelles ne permettent pas, ou difficilement, de démontrer la présence de ces nanoparticules dans l’air, l’eau, les denrées alimentaires, le sang, ou encore les cellules. «La quantité de nanoplastiques présente dans l’environnement n’est pas connue», explique Bernd Nowack, chercheur à l’Empa, spécialisé dans l’étude de flux de matière de micro- et nanoparticules synthétiques. Mais une chose est sûre : il y en a un peu plus chaque jour.