LATITUDES

Les motards séduits par l’esthétique vintage

La mode néo-rétro, qui mélange technologie moderne et design ancien, a plus que jamais la cote auprès des amateurs de deux-roues. Décryptage du phénomène.

La Harley-Davidson Forty-Eight est peu confortable, peu pratique et incapable de rouler à haute vitesse. Mais elle ne ressemble à aucune autre moto, fleure bon le passé et s’affiche au tarif raisonnable de 14’200 francs. Résultat, avec 561 unités immatriculées l’an passé, la «48» a été la moto la plus vendue en Suisse. Un succès qui symbolise le déferlement de la vague néo-rétro dans le monde du deux-roues.

Au récent Salon Swiss Moto 2013 à Zurich, de nombreuses marques présentaient ainsi au moins un modèle rendant hommage à l’une de leur ancienne création. Ainsi sur le stand Honda, il était impossible de ne pas penser à la CB 750 Four de 1969 en admirant la nouvelle CB 1100. Pare-boues chromés, ligne épurée, fausses ailettes de refroidissement sur le moteur, tout y est. Un concept qui fait sourire Pascal Meyerhans, responsable du marché suisse sur le stand voisin: «Chez Triumph, le vintage, c’est notre fonds de commerce. Les différentes déclinaisons de notre Bonneville représentent le 20% de nos ventes.» Affectueusement surnommée «Bonnie», cette machine a été le modèle emblématique de la marque anglaise de 1959 à 1988. Réapparue modernisée en 2000, elle a immédiatement retrouvé sa place dans le cœur des motards. De quoi inspirer BMW. Pour célébrer son 90e anniversaire, la marque allemande dévoilera l’automne prochain la Nine-T, une machine néo-rétro motorisée par son célèbre bicylindre Boxer.

«Ces motos permettent à la clientèle des 50-60 ans de retrouver les deux-roues de leur jeunesse», analyse Roland Fuchs, responsable médias chez Motosuisse, l’association des fabricants, grossistes et importateurs suisses de motos et scooters. «Mais ce sont aussi des machines pas trop chères et faciles à conduire. Elles séduisent donc également les femmes et les jeunes conducteurs, même s’ils n’ont pas toujours connu les motos originales. Avec en sus la peur croissante du radar incitant à ne pas rouler vite, je suis convaincu que ce créneau est un trend d’avenir.»

Le succès des motos néo-rétro repose sur trois piliers: rouler moins vite, se faire plaisir et être vu. «Acheter une telle machine, c’est l’antithèse du low-cost, reprend Pascal Meyerhans de Triumph. Pour son acheteur, la moto devient une sorte d’objet d’art. Elle symbolise sa cool attitude.» Un état d’esprit qui passe donc forcément par l’équipement. Au point que certaines marques en ont fait leur raison d’être, comme les casques Ruby ou les cuirs Helston’s. «C’est sans conteste les articles qui ont été le plus essayés sur notre stand au salon de Zurich», constate Thierry Guizzardi, le fondateur de ZZ Racing. De quoi réjouir l’importateur qui vient de reprendre la distribution de cette dernière marque dans notre pays. «Avec leurs prix corrects, leurs cuirs de qualité et leur look particulier, ces équipements sont un bon complément dans notre gamme pour les clientèles custom, motos anciennes et néo-rétro.»

A Montagny-près-Yverdon, Jean-François Mermoud propose depuis quelques mois les casques Ruby. L’homme a fait sa spécialité depuis trente ans de Harley-Davidson et de vieilles anglaises sous l’enseigne GNV Classic Motors. Malgré le succès de la mode néo-rétro, il ne constate toutefois pas de regain d’intérêt pour les vraies vieilles machines. «Ça reste une affaire de spécialistes et de collectionneurs. La jeunesse a peur du kick (dispositif de mise en marche à l’aide du pied, ndlr).»

Car dans néo-rétro, il y a bien «néo». Et si les acheteurs de ces machines apprécient la référence au passé, pas question pour eux de s’évertuer sur un kick ou de rentrer d’une balade les bottes pleines d’huile. Les constructeurs font donc des miracles pour dissimuler une technologie moderne sous les traits anciens. La Honda CB 1100 est bien équipée de l’ABS et les carburateurs des Triumph sont des faux, qui cachent des injecteurs…

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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 2 / 2013).