L’UDC, même toujours en pointe, n’a pas le monopole de l’approximation partisane et idéologique lorsqu’il s’agit de parler des migrants.
Encore une histoire de blonde. De blonde très à droite. Ah non, pas Marine: Nathalie. Rickly de son patronyme, passionaria de l’UDC, sorte de poupée barbie, mais très influente — ce qui est loin d’être incompatible. Très à droite, on l’a dit, mais aussi fort maladroite.
Ne s’est-elle pas grossièrement répandue sur une chaîne de télévision certes locale — et naturellement zurichoise — contre le fait qu’il y aurait «trop d’Allemands en Suisse»? Et que le Conseil fédéral, à coup de clauses de sauvegarde, serait bien inspiré de faire le ménage…
Certes, la Suisse allemande professe à l’égard du grand voisin germanique le même mépris complexé, provincial et ridicule que les Romands à l’égard des affreux «frouzes». Est-ce bien une excuse pour, une fois de plus, en matière d’immigration, se contenter d’anathèmes de cours d’école? Le fait que cette fois la population visée et vilipendée soit toute proche, supérieurement formée et dynamique, ne change, évidemment, rien à l’affaire.
Concédons à l’UDC qu’elle n’a pas le monopole de l’approximation sur le sujet. On voit dans le même temps Christophe Darbellay, comme un grand, rêver à un système de Green Card à l’américaine, sans même se souvenir que l’UDC l’avait déjà plusieurs fois proposé et que le PDC avait toujours voté contre.
Ou les socialistes romands s’offusquer d’une approche plus réaliste de l’immigration et de l’asile esquissée dans un document du parti au niveau national. Trouver choquant par exemple qu’on puisse être socialiste et cautionner le principe des renvois forcés.
A ces braves gens il conviendrait peut-être de rappeler que «renvoi forcé» cela ressemble bien à un pléonasme. Qu’un renvoi qui ne serait pas forcé n’est plus un renvoi mais un départ volontaire. Et que s’opposer par principe à toute espèce de renvois forcés, c’est admettre, assez légèrement, que n’importe qui se trouve légitimé à vivre en Suisse du moment qu’il y a posé un bout d’orteil.
Quant à la droite classique, elle verse assez souvent et rapidement dans la tendance à ne considérer qu’un seul type d’immigration: celui dicté par une économie friande de chair à travail. Sous entendu, à travail temporaire, mal payé et modulable selon le bon plaisir entrepreneurial.
On en concluerait facilement que l’immigration est un problème trop complexe, divers et subtil pour être laissé à l’amateurisme de politiciens capables de ne considérer le phénomène qu’à travers la lorgnette étroite de leurs idéologies respectives.
Même les hauts fonctionnaires font mieux. Ecoutons, par contraste, le directeur de l’Office fédéral des assurances sociales, le fribourgeois Yves Rossier, en partance pour les affaires étrangères. À propos par exemple du retour de l’AVS dans les chiffres noirs: «Sa bonne santé actuelle est due à un seul facteur: la forte immigration qu’on connaît en Suisse depuis le début des années 90. Sans les migrants l’AVS aurait perdu des milliards chaque année depuis 20 ans». Et d’enfoncer le clou: «L’immigration est une bénédiction pour la Suisse et pas seulement pour les assurances sociales. Pensez à nos hôpitaux, homes médicalisés, universités, à nos entreprises en général».
Avec leur fadaises xénophobes ou, à l’inverse, «sans papiéristes», les politiciens du coup ont l’air de ce qu’ils sont: des dilletantes aveuglés par leurs petites convictions.
Mais rendons à l’UDC ce qui lui appartient: pour ce parti-là, de toute façon, il y aura toujours trop de tout en Suisse. Trop d’allemands, trop de musulmans, trop d’étudiants étrangers, trop de frontaliers, trop de requérants, trop de clandestins.
Il peut sembler dérisoire aujourd’hui de vilipender le monde entier, dans un pays comme la Suisse qui a toujours tiré sa principale force d’une position au-dessus de la mêlée. Un pays où l’on venait panser ses plaies, signer des traités ou à défaut organiser des conférences de paix. Un pays qui laissait au reste de la planète le monopole de la haine et de ses violences subséquentes.
Alors dans un pays pareil, se mettre à éructer contre nos plus proches voisins, nos principaux partenaires économiques, bref montrer une xénophobie anti-européenne, c’est d’autant plus travailler contre l’intérêt général. A cet égard, les représentants de UDC restent, de très loin, les gens les moins patriotiques qui soient. A se demander si, comme les Allemands il n’y en aurait pas, aussi, un petit peu trop.