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Philipp Müller, radical et populaire

Candidat unique à la présidence du parti, l’argovien Philipp Müller parviendra-t-il à lui rendre son caractère populaire? La ligne devrait être en tout cas plus claire, ce qui n’est pas difficile.

Bien sûr, rien pour la beauté du nom, on aurait préféré son concurrent glaronais Pankraz Freitag. Mais Pankraz a fini par jeter l’éponge et c’est bien l’argovien Philipp Müller qui devrait être, comme seul candidat, le prochain président du parti radical. L’homme pourtant compense sa banalité nominale par une double étrangeté, une double carence assez stupéfiante s’agissant d’un radical alémanique: ni études, ni carrière militaire au palmarès.

Un plâtrier après l’hautain et machiavélique avocat Fulvio Pelli, le choc thermique promet d’être sévère. Quant à ceux qui avaient rêvé de la flamboyante Karin Keller-Sutter, Müller conçoit modestement qu’avec lui ils peuvent se sentir «frustrés». A la place, le futur homme fort estime pouvoir offrir «au PLR l’occasion de montrer qu’il est un parti qui représente la population toute entière». Sous entendu: et pas seulement la Bahnhofstrasse, les banques et la grande économie, image qui colle aux radicaux comme la boue aux souliers.

Le prochain président en tout cas semble n’avoir peur de rien puisqu’il fixe au rang de ses tâches prioritaires de marquer l’indépendance du parti radical «face aux lobbys». Sur ce thème, il y a plus que du pain sur la planche: autant vouloir démontrer les tendances pro-européennes de l’UDC ou l’attachement du PS à la liberté d’entreprise.

Ferme, très ferme même, sur les questions d’asile, ce Müller. Ne reste-t-il pas à ce propos l’auteur d’un document l’an dernier qui avait déchiré les radicaux et notamment braqué les Romands, avec par exemple l’idée choc de plafonner la population étrangère à 18 %?

Ce qui lui vaut depuis, chez certains, une solide réputation de «crypto-UDC». Qu’il évacue d’un revers de manches en rappelant que «populaire» mais évidemment pas «populiste», le parti radical se devait de se «préoccuper de la sécurité, de la criminalité et de la migration, car c’est ce que les gens demandent». Et en se montrant à l’inverse un partisan quasi fanatique des accords de libre-circulation, arrangements bilatéraux et autres traités de double imposition.

Avec des motivations, il est vrai, plutôt terre à terre que franchement humanistes: «Sinon, comment continuer à faire des affaires avec l’étranger?» Müller, c’est déjà acquis, sait se montrer vachard: tout en assurant dans «Le Matin» ne pas vouloir jeter la pierre à Pelli, il affirme que le plus important pour lui est que «le PLR retrouve un visage humain et soit composé de personnes qui se réjouissent de faire ce qu’elles font».

S’il a voté en décembre dernier Maillard plutôt que Berset, et s’il doit être un des rares parlementaires fédéraux dans sa jeunesse à avoir défilé aux Etats-Unis contre la guerre du Vietnam, c’est en sauvant de la faillite, tout seul, comme un grand, l’entreprise paternelle de gypserie, assure-t-il, que Philipp Müller se serait éloigné de la gauche.

Spécialiste du radicalisme, l’historien Olivier Meuwly estime, dans Le Temps, que contrairement aux apparences, Phillipp Müller ne «détonne pas dans la galaxie radicale qui a toujours eu un côté populaire très fort». Un côté qu’on avait oublié et qui avait à peu près totalement disparu ces dernières années, avec «un PLR qui n’avait pas su garder son électorat populaire face à l’émergence de l’UDC».

Ce qui semble d’ores et déjà sûr, c’est qu’avec Philipp Müller, les choses seront plus claires et la ligne sans doute plus droite qu’avec l’infatigable comploteur et stratège Pelli. Tellement comploteur et stratège, le Tessinois, qu’il finissait souvent par s’embrouiller lui-même, telle une araignée ivre de sa personne.