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L’art frileux de soigner ses arrières

Oswald Grübel autoproclamé responsable mais pas coupable, ou Guy Parmelin qui lâche en rase campagne son parti dans la succession Mermoud: se planquer est décidément très à la mode en Suisse.

«Lorsque quelqu’un décide d’agir avec une énergie criminelle, vous ne pouvez rien faire.» Voilà soudain le big boss d’UBS, Oswald Grübel, bien défaitiste, étonnamment peu volontaire, très résigné et guère pugnace. Qu’on se le dise: devant le crime, l’immense, l’énorme, la «too big too fail» UBS baisse piteusement les bras! Il-n’y-a-rien-à-faire.

Il avait pourtant, comme personne, la gueule de l’emploi, Grübel. Une vraie tête de grand chef impitoyable. Un genre de type, c’est vite vu, on changeait de trottoir avant même de l’apercevoir. Alors tout ça, patron de l’UBS, autant dire quasi maître du monde, c’était juste de l’esbroufe?

Pauvre petit Oswald, abattu, résigné, démoralisé à cause d’un seul employé indélicat, et de deux, oui seulement deux petits milliards envolés, autant dire peanuts, comme on aimait jadis à ricaner dans la vénérable maison.

Cette brusque absence de volonté, cette soudaine évaporation du désir, ce vautrage dans l’inaction, on les retrouve aussi chez le conseiller aux Etats vaudois Guy Parmelin, UDC tendance choux fleur. Pressé par les siens de concourir à la succession de feu son camarade Mermoud au Conseil d’Etat vaudois, il a fini par dire non, Parmelin.

Trop compliqué, voyez-vous, trop stressant, de mener deux campagnes de front. Et puis, il l’avoue crûment, Parmelin: aux rudes responsabilités gouvernementales, il préfère sa petite renommée et ses habitudes bernoises, sa petite influence, ses vignes et ses champs de betteraves. Et tant pis si cela équivaut à offrir sans combattre la majorité du Conseil d’Etat à la gauche. Tant pis si ce renoncement marque l’acte de décès de l’UDC vaudoise agrarienne.

Dans un cas comme dans l’autre, il y a fuite de responsabilités, atrophie du courage. Comme si l’on devenait banquier ou politicien par confort, par paresse, parce que ce serait facile et agréable et pour le gros tas de jetons qui va avec, et uniquement pour cela.

La facilité semble d’ailleurs un principe d’action très tendance. Voyez Simonetta Sommaruga, face à l’épineuse question des vols spéciaux. Elle convient que, petit a) c’est la pire des solutions et que petit b) cette pire des solutions est la meilleure pour maintenir la crédibilité de l’asile.

En gros, les vols spéciaux, c’est nul mais indispensable. N’est-ce pas là se résigner un peu vite, baisser bien tôt les bras? Pourquoi refuser d’emblée d’imaginer, d’inventer même, soyons fous, des solutions qui seraient juste un peu moins pires que la pire de toutes?

Autre facilité politique, celle des alliances tout azimut, finaudes en apparence et dont on pourrait penser, par accumulation de suffrages, addition de votes, empilement automatique de voix, qu’elle vous dispense d’efforts, de créativité, de cohérence et de force de conviction.

Lourde erreur, comme l’a montré le vil troc entre l’entente genevoise PLR-PDC et l’UDC — on vous soutient Nidegger à la cour des Comptes, vous nous appuyez le ticket Berthassat-Lüscher aux Etats. Avec comme résultat provisoire un confondant échec: la première élection à Genève d’un candidat d’extrême-gauche au scrutin majoritaire. Voici donc Daniel Devaud, l’homme de Solidarités, propulsé à la cour des Comptes, et Nidegger maintenu dans son rôle de bateleur populiste. «La cuillère, écrit Le Courrier, n’était sans doute pas assez longue» pour souper avec le diable.

Peut-être aussi que les temps de crise ne sont pas si favorables aux petits comme aux gros malins. Peut-être fantasme-t-on dans les urnes sur des personnalités improbables: carrées, droites, courageuses, capables de ne promettre, au mépris de toute tactique électorale et de tout bien-être personnel, que du sang et des larmes. Même avec un havane vissé au coin de la bouche, cela vaudrait toujours mieux que ces cohortes de Grübel et de Parmelin occupés à soigner leurs délicats arrières, à mitonner leurs petites carrières.