KAPITAL

Anergis, 18 millions contre le rhume des foins

La start-up lausannoise envisage de soigner plus de 800’000 personnes par an avec son antiallergène AllerT. Elle vient de réunir de nouveaux investisseurs. Portrait.

Voilà qui va ravir une part considérable — et croissante — de la population, pour qui chaque printemps rime avec éternuements. La start-up lausannoise Anergis a mis au point un système de désensibilisation «ultrarapide» au rhume des foins: entendez cinq injections sur deux mois alors que le traitement classique prend trois à cinq ans…

Et cela sans effets secondaires, à en croire son directeur Vincent Charlon: «Nos produits sont reconnus par le système immunitaire des patients allergiques comme étant l’allergène responsable de leur allergie, mais sans pour autant provoquer de réaction allergique.» Les patients traités «apprennent» à produire des anticorps contre l’allergène, ce qui conduit à leur désensibilisation. «Comme les produits que nous développons n’induisent pas de réaction allergique immédiate, ils peuvent être administrés à des doses très supérieures à la désensibilisation classique», poursuit le professeur.

Fondée par François Spertini, professeur associé en immunologie et allergie au CHUV, la société vient de lever 18 millions de francs en provenance de fonds de capital risque spécialisés en biotechnologie et de plusieurs investisseurs privés. Son traitement permet de lutter contre les allergies au pollen de bouleau qui touchent environ 20% des patients allergiques, soit 200’000 à 250’000 personnes en Suisse. «On considère que 15 à 20% de ces patients présentent des symptômes suffisamment sévères et mal contrôlés par les traitements disponibles. Ce sont ces 30’000 à 40’000 patients que nous visons», souligne Vincent Charlon.

La levée de fonds de la société, qui emploie pour l’instant trois personnes et travaille avec plusieurs consultants, a été rendue possible grâce aux résultats cliniques encourageants obtenus à ce jour: à l’issue d’un traitement de deux mois en cinq injections chez 20 patients allergiques, elle a pu montrer un effet immunologique marqué et une tendance à l’amélioration des symptômes pendant la saison suivante. «Nous avons pu mettre en évidence l’établissement d’une mémoire immunologique à long terme, objectivée par l’observation de la présence d’anticorps contre l’allergène dix-huit mois après le traitement», précise Vincent Charlon.La prochaine étape consistera à démontrer l’efficacité et la sécurité du nouveau traitement. Dans le cadre d’une étude européenne, 300 patients seront recrutés cet automne et traités hors saison afin de mesurer leurs symptômes dans la période de saison du pollen de bouleau en 2012. Les résultats seront comparés avec ceux d’un groupe recevant un placebo.

Le Centre suisse pour l’allergie, la peau et l’asthme observe favorablement la démarche: «C’est un bon traitement pour commencer juste avant la saison des pollens ou dans le cas de personnes n’ayant pas la patience pour un traitement normal», indique Karin Stalder, qui conseille toutefois aux personnes touchées de discuter des différentes options avec un allergologue.

Baptisé AllerT, le produit pourrait être commercialisé d’ici à 2016 ou 2017 en Europe et en Amérique du Nord. «Après quelques années, nous pensons pouvoir traiter jusqu’à 800’000 patients par an», se réjouit Vincent Charlon. Et la société ne compte pas en rester là: après les allergies au pollen de bouleau, elle souhaite s’attaquer à celle liée aux graminées, qui survient plus tard dans la saison mais touche deux fois plus de patients allergiques, soit 400’000 à 500’000 personnes en Suisse…
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.