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«Les Suisses votent UDC», dit le slogan

Tandis que les partis ressortent la grosse caisse du patriotisme à papa, les électeurs plébiscitent les solutions de formations pour lesquelles ils annoncent ne pas vouloir voter. Analyse.

C’est l’histoire d’amour la plus curieuse du moment: une romance qui unirait un pays, des électeurs et leurs partis politiques.

«Les Suisses votent UDC», se rengorge ainsi un slogan agrarien pour une fois pas si éloigné de la précise vérité.

«Par amour de la Suisse», proclament de leur côté les affiches du parti radical, même si c’est pour égrener ensuite des mesures sans trop de rapport avec l’immangeable choucroute. Du genre: «Interdire la mendicité». Par amour de la Suisse, vraiment? Alors que la haine du pauvre, du rom, du clodo ou de qui l’on voudra, suffit largement pour arriver à d’aussi misérables conclusions.

«Pas de Suisse sans nous», revendique enfin le PDC, dans une sorte de bilan personnel plutôt partial et immodeste. Parti alpestre certes, mais de là à se croire aussi incontournable que le Cervin…

A première vue, cet amour fou semble partagé. Les derniers sondages donnent en effet deux tiers des voix à ces trois partis de droite soudain très fleur bleue, ne laissant du coup que des miettes à une gauche un peu vieille fille et qui en est encore à réclamer des logements sociaux. Quelle trivialité, quelle bassesse, quelle courte vue. Des logements sociaux, alors que ce qui compte, émeut les gens, ce qu’ils réclament, c’est bien sûr de l’amour et de l’eau fraîche, et plus spécialement de tous les amours le plus torride, le plus sanglant: l’amour de la patrie.

Une vieille notion rabougrie, croyait-on, ce patriotisme fanfaron et défilant au son de la grosse caisse, mais qui retrouve soudain, dans la marmite des cuisines électorales, une drôle de vigueur juvénile. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes: des citoyens qui aiment leur patrie et une patrie qui le leur rend bien, sous le regard lui-même énamouré de partis bourgeois tout heureux de surfer sur une hypothétique vague de conservatisme.

Sauf que patatras. Ces mêmes Suisses qui semblent vouloir plébisciter les partis de droite, quand on les interroge sur leurs préoccupations et priorités du moment, mettent en avant surtout des mesures de gauche. Les 29’000 internautes sondés par l’enquête annuelle Vimentis se sont ainsi prononcés pour une caisse unique, contre le relèvement de l’âge de la retraite et pour un salaire minimum. Propositions toutes honnies par les partis chouchous — PDC, UDC et Radicaux — et toutes au contraire figurant en bonne place dans les programmes de ces formations de gauche promises, elles, au laminoir électoral.

Seul le renforcement, ou plutôt le retour de la discipline à l’école, souhaité par les sondés, semble correspondre au catéchisme de base des formations bourgeoises. On en concluerait presque qu’un parti casserait la baraque en adoptant pour slogan «Caisse unique et couvre-feu», quitte à réconcilier Lénine et Pinochet…

On peut en tout cas tirer de cette cacophonie de faits et d‘intentions quelques enseignements plutôt contradictoires. D’abord que ce peuple suisse réputé pour sa modération, son civisme et sa vieille sagesse noueuse, se révèle surtout avide d’inconséquence et de masochisme. Comment qualifier en effet un corps électoral prêt à récompenser des gens promettant de faire exactement le contraire de ce qu’il souhaite?

Qu’ensuite la gauche, dont les thèses semblent en parfaite résonnance avec les soucis de la population, ne sait décidément pas vendre sa marchandise. Impardonnable alors que l’acheteur se bouscule à l’étalage.

Troisièmement que sur ces appétences gauchistes dont la population paraît être saisie, viennent se greffer, si on scrute bien les résultats de Vimentis, quelques impuretés fort conservatrices. Oui à une caisse unique par exemple, mais oui aussi à une baisse des primes pour ceux qui auront coûté moins l’année précédente. A bas, autrement dit, le principe de solidarité, pierre angulaire pourtant de toute assurance sociale digne de ce nom.

Enfin et plus sûrement, on pourra poser que le monde, les gens et les situations dans lesquelles ils se mettent, se révèlent plus compliquées que les slogans électoraux et les questionnaires à choix multiples des sondages.

Que faire par exemple avec le probable afflux de Maghrébins fuyant la démocratie pour des raisons pas toujours avouables? Leur offrir asile et protection? Les rejeter à la mer? Oui, comment traiter ces Tunisiens dont on redoute déjà que la perverse et maligne idée leur vienne de déchirer leurs papiers et de se déguiser en islamistes algériens perscutés et inexpulsables?
Vite, un sondage.