LATITUDES

La timidité, ça se soigne. En clinique.

Les hommes travaillant dans l’informatique constituent la plus grande partie des clients de la Shy Clinic.

Shy Clinic (clinique pour les timides). C’est le nom d’un établissement hospitalier basé à Londres. Première entreprise européenne entièrement dédiée à la timidité et à son traitement, la Shy Clinic draine la majorité de ses patients parmi les hommes travaillant dans l’informatique.

L’ordinateur rendrait-il timide? Ou les timides seraient-ils attirés par cette machine parce qu’elle tient l’autre à distance? Selon le directeur de l’établissement, Walter N. Friedman, les professionnels de la santé mentale oublient systématiquement la timidité, qui entraîne pourtant de nombreux cas de dépression, d’abus de drogues ou encore d’anxiété. Ils traitent les symptômes de l’anxiété et passent à côté du problème central.

La timidité est le problème de santé le moins discuté. Il retient très peu l’attention médiatique malgré les millions de personnes qui en souffrent.

Comment définir cette maladie? Le timide craint d’être mal servi par lui-même, quoi qu’il entreprenne. Son corps est son principal ennemi car il le trahit sans cesse. Le timide croit qu’il va attirer l’attention de tout le monde. En fait, il a peur de révéler ses failles, ses faiblesses, alors que son souci est la perfection. Il y a de l’orgueil sous-jacent.

Pas étonnant que le timide soit obsédé par ce corps qu’il ne maîtrise pas toujours. Du coup, il surévalue les réactions et vit avec l’idée lancinante qu’il va peut-être se mettre à rougir, à trembler, à avoir la bouche sèche, des palpitations, l’estomac noué et ainsi de suite.

Comme il ne veut pas se montrer faible, il est constamment aux aguets, d’où un tumulte psychique et physique épuisant et douloureux.

Le timide envisage toute relation avec l’autre sous le rapport dominant-dominé, prédateur-victime (sauf sur le Net, où le corps reste invisible). Pour certains psychologues, cela accréditerait la thèse de l’origine animale de ce qu’ils appellent les «phobies sociales». Nous craignons ce qui nous a menacé à un moment de notre évolution.

Le trac ne serait donc qu’une survivance animale: il n’est pas bon pour un chien de se retrouver seul face à une meute. Transposée dans la société humaine, c’est la position du conférencier, seul face à un nombreux public…

Une autre tentative d’explication fait intervenir un contexte familial superprotecteur et angoissé. «Envoyez vos enfants chez les scouts!», conseille le Dictionnaire de la Psychologie Larousse.

Mais où commence la pathologie? L’anxiété n’est-elle pas une caractéristique de la nature humaine? Selon son intensité, on appellera «trac» ou «phobie sociale» cette émotion anticipée qu’on ressent avant d’affronter un public ou de subir une épreuve importante. Si la peur éprouvée nuit à la prestation, alors elle cesse d’être une alliée et mérite d’être soignée.

Longtemps considérée comme une charmante particularité féminine, la timidité a longtemps été négligée par la médecine. Si l’on y est plus attentif aujourd’hui, ce n’est pas parce que le nombre de timides progresse, mais parce que la société rend leur vie de plus en plus difficile.

Les jugements sociaux se portent de plus en plus rapidement. Les timides ont besoin de temps pour montrer leurs compétences. Comment pourraient-ils, en dix minutes, convaincre un recruteur de les engager, alors qu’il leur faut une heure au minimum d’adaptation?

La thérapie proposée par la clinique londonnienne est «cognitive et comportementale». Elle est axée sur l’apprentissage de stratégies permettant de faire face. Le travail en groupe, entre pairs souffrant des mêmes maux, semble très bénéfique. Walter Friedman ne promet pas de miracle. Il ne veut pas parler de guérison, mais d’amélioration de la capacité à affronter l’autre.

Cliquez sur le site shyclinic.com, vous y trouverez le test «How shy am I» qui vous renseignera sur votre propre timidité. Si vous appréciez l’écran rassurant de votre ordinateur, il y a des chances pour que vous apparteniez au public cible du Dr Friedman.