LATITUDES

La bosse des maths pour tous

Certains auraient la bosse des maths, d’autres pas; des matheux d’un côté, des nuls de l’autre. Faux, estiment de plus en plus de voix qui indiquent diverses pistes pour récupérer les supposés «irrécupérables».

Située au niveau du front et considérée comme le «sens des nombres», la bosse des maths est née au XIXème siècle avec la phrénologie qui associait la forme du crâne et les capacités intellectuelles. L’expression est demeurée dans le langage courant pour évoquer un bon calculateur.

Certains ont plus de facilité dans l’apprentissage de l’orthographe que d’autres. On ne s’est jamais référé à une quelconque excroissance sur le crâne, à une bosse de l’orthographe, pour expliquer cette forme d’inégalité. Alors pourquoi ce recours à une bosse des maths? Attribuer à l’inné ce qui pourrait s’acquérir, c’est laisser définitivement en rade tous les faibles en maths.

En librairie, la rentrée 2011 connaît un succès totalement inattendu avec «La bosse des maths». A peine sorti de presse et déjà en réimpression, l’ouvrage de Stanislas Dehaene (Odile Jacob), professeur de psychologie cognitive au Collège de France, révolutionne le regard porté sur les aptitudes en maths.

Il y a quinze ans, dans la première édition de «La bosse des maths», il énonçait l’hypothèse que nous possédons tous un «sens du nombre», une compétence précoce pour la perception rapide des quantités numériques dont découlent nos intuitions mathématiques. Les dernières recherches sur les mécanismes cérébraux de l’arithmétique et leur développement lui donnent raison. «L’enfant est un mathématicien en puissance (…) Nous disposons d’outils empiriques et théoriques qui soulignent la richesse des intuitions arithmétiques de nos enfants — tous démarrent dans la vie avec la bosse des maths! Sur cette base scientifique, il reste encore à construire de meilleurs programmes éducatifs qui prennent en compte le cerveau de l’enfant», explique l’auteur (p.331).

Un constat qui rejoint celui de la grande pédagogue qu’est Stella Baruk, auteur du «Dictionnaire des mathématiques élémentaires» (Seuil). Elle y dénonce l’enseignement des mathématiques qui, pour elle, conduit le plus souvent les élèves à répondre de manière absurde à des questions absurdes. «Si on cessait d’abîmer les enfants, on n’aurait plus à les réparer. Il s’agit de construire avec eux une langue mathématique à partir de la langue ordinaire. Les mathématiques sont essentiellement fondées sur la langue et le sens.»

La nécessité d’adopter une nouvelle méthode d’apprentissage est aussi une évidence pour Michel Vigier. Fondateur de l’Association pour la prévention de l’innumérisme; il a forgé ce concept, équivalent mathématique de l’illettrisme, pour résoudre un problème par trop négligé. On parle énormément de dyslexie mais pas de dyscalculie.

Pour lui, les maths ne sont pas plus difficiles que l’acquisition de la lecture et de l’écriture. «C’est comme une échelle que l’on gravit barreaux après barreaux. Ceux qui ont loupé un barreau (c’est souvent celui de la multiplication) développent souvent une phobie des maths car ils ne parviennent pas à accéder au barreau suivant », explique-t-il dans une safer viagra or cialis au journal Libération.

C’est avant même d’arriver à l’école que se mettent en place les aptitudes ou les blocages, relèvent des psychologues américains dans leur étude publiée dans «Developmental Psychology» (p.1309). Plus les parents parlent souvent de nombres et quantifie la réalité (il y a douze voitures dans ce parking, on a bu la moitié de la bouteille, il ne reste que quatre pommes dans la corbeille) plus la compréhension des maths sera aisée pour leurs enfants ainsi mis en contact avec l’abstraction dès leur plus jeune âge. Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion en analysant des vidéos filmées dans la vie quotidienne de «familles cobayes».

Les adultes qui n’ont pas baigné enfants dans un environnement stimulant ou bénéficié d’un enseignement efficient pourrait néanmoins combler leurs lacunes! Des chercheurs britanniques ont réussi à améliorer les compétences numériques de plusieurs sujets en leur appliquant de faibles stimulations électriques cérébrales. Ils ont fait subir à des adultes un apprentissage, durant une semaine, consistant à associer des symboles abstraits et des chiffres. Un courant électrique de 1 milliampère (mA) était épisodiquement appliqué pendant quelques minutes sur les lobes pariétaux des volontaires.

Résultat: les capacités d’apprentissage des sujets ont été soit améliorées, soit diminuées, en fonction de la polarisation de ce petit courant et l’amélioration était toujours sensible six mois après l’expérience. Un traitement des diverses formes de dyscalculie qui toucherait 5% de la population en découlera-t-il un jour?

Confions à Albert Einstein le mot de la fin: «Ne vous inquiétez pas trop de vos problèmes en mathématiques: je puis vous assurer que les miens sont bien pires».