Notre manière de préparer des plats révèle la force de notre désir: c’est la thèse défendue par «La cuisine des amants», un petit ouvrage que l’on recommande, contrairement à «La cuisine des maris» paru dans la même collection.
Franck Spengler, éditeur spécialisé en littérature érotique et cuisinier talentueux, ne croit pas aux simples coïncidences de la langue française.
Si les mots «chère» et «chair» sont homonymes, c’est que la table et l’amour étaient faits pour se rencontrer, se compléter et, parfois, se sublimer l’un l’autre.
Prudent, il se garde cependant d’affirmer qu’il existerait une cuisine aphrodisiaque favorisant la relation amoureuse. «Le meilleur aphrodisiaque, c’est votre désir de l’autre», concède-t-il.
Cependant, notre manière de cuisiner révèle la force de notre désir. D’où le constat, pas vraiment subversif, qu’une femme jugera différemment un homme selon qu’il lui aura préparé des raviolis en boîte ou un faisan de champagne accompagné de girolles fraîches.
«Dis-moi ce que tu cuisines, je te dirai comment tu aimes» est l’un des adages préférés de Spengler, qui vient de publier «La cuisine des amants» aux éditions Librio. Pour quelques francs, voici 50 recettes qui devraient vous permettre de «marier avec succès tous les plaisirs».
Entrée en matière avec une présentation de quelques produits réputés aphrodisiaques. Poivre, piment, sarriette, coriandre et muscade auraient des propriétés excitantes et stimulantes alors que ginseng, huîtres, kiwi et avocat auraient des vertus tonifiantes.
Pas gourou, l’auteur nous met en garde: «Ne rêvez pas, ils ne produisent généralement un effet qu’après de longues périodes d’absorption, un peu à la manière de l’homéopathie.».Les recettes qu’il nous propose sont destinées à ouvrir l’appétit amoureux et doivent permettre de prendre le café dans l’endroit que l’on espérait atteindre…
Le cocktail donne le ton de la soirée. Vous avez le choix entre le Bloody Mary, le All Day Long, le vin d’amour, le câlin du Kentucky et d’autres recettes toutes simples à réaliser.
Passons aux entrées. J’ai sélectionné pour vous la salade de moules aux fines herbes, dont vous trouverez la recette ci-dessous. Cette salade nécessite une préparation assez longue, mais l’auteur garantit qu’elle est si exquise que votre partenaire en tombera à vos genoux.
Coquin, il a cru bon de préciser que les proportions indiquées sont destinées à deux personnes et que les amateurs de triolisme doivent se rappeler la règle de trois. Pour une partie carrée, il s’agit de multiplier par deux. Enfin, pour une orgie, il se dégage de toute responsabilité et intime l’ordre de se débrouiller sans lui.
Les plats et desserts présentés dans «La cuisine des amants» nous mettent tous l’eau à la bouche, ce qui n’est pas le cas des recettes présentées par «La cuisine des maris», un ouvrage paru dans la même collection.
Ce livre-là ressemblerait plutôt à une incitation à l’adultère pour toute femme mariée.
On n’y trouve nulle trace d’aphrodisiaques, mais de l’épate pour «une meute de copains assoiffés par une soirée de foot à la télé» ou «des amis dont on avait totalement oublié qu’on les avait invités».
Son auteur, Gilles Perez, macho non déguisé, estime qu’il est temps pour les maris de reprendre possession de la cuisine. Et l’affreux poursuit: «Ce livre n’est pas seulement un recueil classique de recettes culinaires. Il se veut un manifeste pour redonner à l’homme toute sa place dans la cuisine, dans la maison et dans la société. Hissez haut les drapeaux, nous revoilà!»
Cramponnez-vous, ce n’est pas fini: «Ainsi redevenu le maître de maison, il vous sera plus facile de proposer (à votre femme) une sortie entre copines pour recevoir mercredi soir prochain vos amis autour d’une belle bouteille et d’un petit gueuleton, en ponctuant de vos beuglements la finale de la Coupe d’Europe de football.» Autant dire qu’il jette madame dans les bras de son amant!
A vous de choisir, en connaissance de cause, lors de votre prochain passage en librairie, entre «La cuisine des amants» et «La cuisine des maris». Je ne vous dis pas la tête de mon libraire qui m’a vue repartir avec l’un et l’autre…
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Pour les amants:
Salade de moules aux fines herbes
3 litres de moules de bouchot
Ciboulette, coriandre, cerfeuil
Persil plat, sarriette
Sel, poivre, tabasco.
Et pour la cuisson des moules:
Du vin blanc sauvignon (ou muscadet sur lie)
1 poireau, 1 carotte
1oignon
Huile d’olive
Thym, laurier, sel, poivre.
Grattez et lavez soigneusement les moules. Deux à trois bains s’avèrent parfois nécessaires.
Dans une grande cocotte, faites revenir dans l’huile d’olive le poireau ainsi que la carotte émincés grossièrement. Lorsqu’ils commencent légèrement à fondre (4 minutes environ), versez-y l’équivalent de deux verres de vin blanc. Ajoutez le thym, le laurier. Salez, poivrez. Couvrez la cocotte et laissez bouillir le tout encore 5 minutes.
Jetez les moules dans la cocotte et remuez-les. Faites-les cuire à feu vif durant 3 minutes. Eteignez, couvrez la cocotte et laissez reposer encore 4 minutes.
Retirez les moules du récipient et réservez le jus de cuisson. Otez les moules de leurs coquilles et placez-les dans des ramequins individuels.
Montez une mayonnaise à l’huile d’olive dans laquelle vous incorporerez délicatement et progressivement un peu du jus de cuisson des moules de manière à obtenir une mousse légère ni trop épaisse, ni trop liquide.
Ajoutez-y les herbes très finement hachées, puis un léger trait de tabasco (une dizaine de gouttes).
Couvrez les moules de cette préparation. Mélanger délicatement et placez au frigo jusqu’au moment de passer à table.